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Ray, Satyajit (1921-1992)

Contents


Biographie

Jeunesse

La généalogie de Satyajit Ray peut être remontée jusqu'à dix générations. Upendrakishore Raychowdhury, le grand-père de Ray, était écrivain, illustrateur, philosophe, éditeur et amateur d'astronomie. C'était aussi un des chefs du Brahmo Samaj, un mouvement religieux et social réformateur du {{XIXe siècle}} au Bengale. Sukumar Ray, le fils d'Upendrakishore, était un écrivain innovant en matière de poésie de l'absurde et de littérature enfantine, ainsi qu'un illustrateur et critique littéraire reconnu.

Ray naît à Calcutta de Sukumar et Suprabha Ray. Son père meurt alors qu'il a à peine trois ans, et la famille survit avec les maigres revenus de Suprabha. Plus tard, Ray étudie l'économie au Presidency College de Calcutta, bien que ses goûts le portent vers les beaux-arts. En 1940, sa mère le pousse à faire des études à l'université de Visva-Bharati, fondée par Rabindranath Tagore à Santiniketan. Ray est réticent à partir, d'une part à cause de son amour pour la ville de Calcutta, et d'autre part pour la piètre idée qu'il a de la vie intellectuelle à Santiniketan. La persuasion de sa mère et le respect qu'il porte à Tagore ont finalement raison de ses préventions et le convainquent de tenter cette voie. Ray va à Santiniketan pour étudier les arts graphiques, mais également pour y admirer l'art oriental. Plus tard, il reconnaîtra avoir beaucoup appris des célèbres peintres Nandalal Bose et Benode Behari Mukherjee, sur lesquels il réalisera d'ailleurs un documentaire, The Inner Eye (L'Œil intérieur). Lors de ses visites des grottes d'Ajantâ, Ellorâ et Elephanta, Ray développe une grande admiration pour l'art indien.

Ray quitte Santiniketan en 1943, avant d'avoir achevé son cursus de cinq ans et rentre à Calcutta, où il trouve un emploi dans une agence de publicité britannique, D.J. Keymer. Il est embauché comme junior visualiser (créateur junior) et ne gagne que 80 roupies par mois. Bien que la partie artistique de ce travail soit chère au cœur de Ray, et qu'il soit bien traité d'une manière générale, il règne dans cette entreprise une certaine tension entre les employés britanniques et indiens (les premiers étant bien mieux rémunérés), et Ray trouve que « les clients sont en général stupides ». Autour de 1943, Ray est engagé par Signet Press, une nouvelle maison d'édition créée par D. K. Gupta. Gupta demande à Ray de créer les designs des couvertures de livres publiés par Signet Press et lui laisse une entière liberté artistique. Ray réalise les couvertures de nombreux ouvrages, dont Man-Eaters of Kumaon (Les Mangeurs d'hommes de Kumaon), un livre écrit par le chasseur naturaliste Jim Corbett sur les tigres et léopards, ainsi que Discovery of India (Découverte de l'Inde) de Jawaharlal Nehru. Il travaille aussi sur une adaptation pour les enfants de Pather Panchali, un roman bengali classique de Bibhutibhushan Bandopadhyay, qu'il rebaptise Am Antir Bhepu (Le Sifflet en noyau de mangue). Cette œuvre influence profondément Ray, et deviendra le sujet de son premier film. En plus de la couverture, il illustre le livre ; nombre de ces dessins trouveront leur place dans son film initial.

Puis, avec Chidananda Das Gupta et d'autres, il crée la Calcutta Film Society en 1947, un ciné-club où sont projetés de nombreux films étrangers. Pendant la deuxième guerre mondiale, il s'était lié d'amitié avec des GIs américains stationnés à Calcutta, qui de retour chez eux le tiendront au courant de l'actualité cinématographique. Il côtoie également un employé de la RAF, Norman Clare, avec qui il partage la passion des films, du jeu d'échecs et de la musique classique occidentale. En 1949, Ray épouse Bijoya Das, une cousine éloignée et amour de toujours. De cette union naîtra un fils, Sandip, qui est aujourd'hui devenu à son tour un grand cinéaste. La même année, Jean Renoir vient à Calcutta pour tourner son film Le Fleuve. Ray l'aide à trouver des lieux de tournage en extérieur. C'est à ce moment que Ray expose à Renoir le projet qu'il a en tête depuis un certain temps : filmer Pather Panchali. Et Renoir l'encourage à le réaliser. En 1950, Ray est envoyé à Londres par D.J. Keymer pour travailler au siège social. Durant son séjour de trois mois à Londres, il regarde 99 films. Parmi eux, le film italien néoréaliste Ladri di biciclette (Le Voleur de bicyclette) réalisé en 1948 par Vittorio De Sica lui fera forte impression. Ray dira plus tard qu'il est sorti de la séance avec la ferme intention de devenir réalisateur.

Les années Apu (1950-1958)

{{article détaillé}} Ray a donc décidé que Pather Panchali, le bildungsroman classique de la littérature bengalie, publié en 1928 par Bibhutibhusan Bandopadhyay, sera le thème de son premier film. Ce roman semi-autobiographique décrit la jeunesse d'Apu, un petit garçon d'un village du Bengale. Ray achève la conception du film en mer, tandis qu'il rentre de Londres en Inde.

Ray réunit ensuite autour de lui une équipe inexpérimentée, dont le caméraman Subrata Mitra et le directeur artistique Bansi Chandragupta, qui connaîtront de belles carrières par la suite. Côté acteurs, le casting est principalement constitué d'amateurs. Les prises commencent fin 1952, financés par les fonds propres de Ray. Il espère alors qu'une fois ces premières prises réalisées, il pourra trouver des fonds pour poursuivre le projet... cependant, un tel mode de financement n'est pas évident. Aussi Pather Panchali est tourné sur une période exceptionnellement longue, pendant trois ans, avec des prises organisées de temps en temps, au gré des disponibilités financières obtenues par Ray ou Anil Chowdhury, le directeur de production. Avec un prêt du gouvernement du Bengale-Occidental, le film est finalement terminé et peut sortir en 1955. Il est reçu très favorablement par la critique et remporte un grand succès populaire, remportant de nombreux prix. Il est largement diffusé, aussi bien en Inde qu'à l'étranger. Pendant le montage, Ray refuse de se plier aux demandes émanant de ses financeurs, désireux de modifier le scénario ou de surveiller le producteur. Il ignore également le conseil du gouvernement (qui financera tout de même le film) d'inclure une fin heureuse, dans laquelle la famille d'Apu rejoint un projet de développement. Quand Ray montre une scène du film à John Huston, venu en Inde en repérage pour le tournage de L'Homme qui voulut être roi, l'enthousiasme de ce dernier est encore plus précieux que les encouragements de Renoir. Il s'agit de la scène mémorable qui expose la vision qu'ont Apu et sa sœur du train traversant la campagne. C'est alors la seule que Ray a pu monter, compte tenu de son petit budget. Huston avertit Monroe Wheeler, du Museum of Modern Art de New York qu'un talent majeur est en train de naître. En Inde, les réactions sont enthousiastes. Le Times of India écrit « Il est absurde de le comparer avec n'importe quel cinéma indien [...] « Pather Panchali » est du pur cinéma ». Au Royaume-Uni, Lindsay Anderson écrit une chronique élogieuse sur le film. Malgré tout, les réactions ne sont pas uniformément positives. On rapporte ainsi que François Truffaut aurait déclaré : « Je ne veux pas voir un film de paysans qui mangent avec les doigts. » Bosley Crowther, alors le plus influent critique du New York Times, écrit un article tellement hargneux que le distributeur aux États-Unis, Ed Harrison, pense qu'il va compromettre la sortie du film. Mais au lieu de cela, c'est le contraire qui se produit, Pather Panchali est particulièrement apprécié et connaît une longue diffusion.

La carrière internationale de Ray commence réellement après le succès de son film suivant, Aparajito (L'Invaincu). Ce film narre la lutte sempiternelle entre les ambitions d'un jeune homme, Apu, et l'amour de sa mère. Nombre de critiques, dont Mrinal Sen et Ritwik Ghatak, le classent un cran au-dessus du premier opus. Aparajito remporte le Lion d'or à Venise. Avant d'achever sa trilogie, Ray réalise deux autres films. D'abord la comédie Parash Pathar (La Pierre philosophale), suivie par Jalsaghar (Le Salon de musique), un film sur la décadence des Zamindars, considéré comme une de ses œuvres les plus importantes.

Tandis qu'il réalise Aparajito, Ray ne pense pas encore à une trilogie, mais cette idée lui vient quand on lui pose la question à Venise. Le dernier volet, Apur Sansar (Le Monde d'Apu) est réalisé en 1959. Comme pour les deux précédents opus, nombre de critiques le considèrent comme le couronnement de la trilogie (Robin Wood, Aparna Sen). Ray y a fait jouer deux de ses acteurs favoris, Soumitra Chatterjee et Sharmila Tagore. Au début de l'intrigue, Apu vit dans une insignifiante maison de Calcutta, à la limite de la misère. Il contracte avec Aparna un mariage peu ordinaire, et les scènes de leur vie commune forment « un des classiques du cinéma en matière de description de la vie de couple », mais une tragédie s'ensuit. À la suite d'un article sévère d'un critique bengali, Ray répond en écrivant à son tour un papier pour défendre son film, fait rare dans sa carrière de réalisateur (l'autre occurrence notable se produira avec Charulata, son favori). Le succès a peu de répercussions sur sa vie personnelle pendant les années qui suivent : il continue à vivre avec sa mère, son oncle et d'autres membres de sa famille dans une maison de location.

De Devi à Charulata (1959-1964)

Durant cette période, Ray compose des films sur le Raj (comme Devi), un documentaire sur Tagore, une comédie (Mahapurush) et son premier film basé sur un scénario original (Kanchenjungha). Il réalise aussi une série de films qui, pris ensemble, sont considérés par les critiques comme la représentation à l'écran la plus aboutie des femmes indiennes.

Après Apur Sansar, Ray enchaîne avec Devi (la Déesse), un film dans lequel il aborde les superstitions dans la société hindoue. Sharmila Tagore interprète Doyamoyee, une jeune femme divinisée par son beau-père. Ray s'inquiète d'un éventuel blocage du film par le bureau de la censure, ou d'être forcé de couper certaines scènes, mais finalement Devi est épargné. En 1961, sur l'insistance du premier ministre Jawaharlal Nehru, Ray est engagé pour réaliser un documentaire sur Rabindranath Tagore, à l'occasion du centenaire de la naissance du poète. C'est un hommage à la personne qui l'a probablement le plus influencé. Avec la contrainte d'une longueur limitée de bandes disponibles de Tagore, Ray relève le défi de construire un film essentiellement à partir de matériaux statiques, et note que cela représente une somme de travail supérieure à trois films classiques. Au cours de la même année, avec Subhas Mukhopadhyay et d'autres, Ray est en mesure de faire revivre Sandesh, le magazine pour enfants que son grand-père avait lancé. Ray a épargné pendant plusieurs années pour rendre possible ce projet. La polysémie du titre (Sandesh signifie à la fois « nouvelles » en bengali et désigne un dessert sucré apprécié au Bengale) donne le ton du magazine, à la fois éducatif et divertissant. Ray se retrouve en personne à illustrer le magazine et à écrire des histoires et des essais pour les enfants. L'écriture devient sa principale source de revenus au cours des années suivantes.

En 1962, Ray réalise Kanchenjungha, son premier scénario original, et premier film en couleurs. Il s'agit de l'histoire d'une famille bourgeoise, qui séjourne à Darjeeling, une pittoresque ville sur une colline du Bengale-Occidental, dans laquelle la famille tente de lier sa plus jeune fille à un ingénieur jouissant d'une bonne situation, et ayant étudié à Londres... Initialement conçu pour se dérouler dans un grand manoir, le film a finalement été tourné sur la célèbre ville à flanc de colline, Ray décidant d'utiliser les nombreuses ombres et lumières, ainsi que les brumes, pour refléter la tension du drame. C'est un Ray amusé qui relève que, tandis que son scénario permet de filmer avec toutes les conditions de lumière possibles, l'équipe de réalisation d'un film commercial présente à Darjeeling au même moment échoue à effectuer la seule prise qu'elle est venue faire, et qui réclame un plein soleil.

Pendant les années 1960, Ray visite le Japon et prend un plaisir particulier à y rencontrer le réalisateur Akira Kurosawa, pour lequel il a beaucoup de respect. Au pays, il s'accorde des retraites occasionnelles à Darjeeling ou Purî, pour échapper un temps à l'agitation de la ville et terminer tranquillement un scénario.

En 1964, Ray réalise Charulata (L'Épouse délaissée), l'apogée de cette période de création artistique, et considérée comme beaucoup de critiques comme son meilleur film. S'appuyant sur Nastanirh, une nouvelle de Tagore, le film raconte l'histoire d'une épouse délaissée (Charu) dans le Bengale du {{XIXe siècle}}, et de ses sentiments grandissants pour son beau-frère Amal. Souvent cité comme chef-d'œuvre mozartien de Ray, le cinéaste lui-même en dit que c'est celui qui contient le moins de défauts de son œuvre, et que s'il avait la possibilité de le refaire, il le referait à l'identique. L'interprétation de Charu par Madhabi Mukherjee, ainsi que le travail de Subrata Mitra et Bansi Chandragupta ont été primés à plusieurs reprises. Parmi les autres films de cette période on trouve Mahanagar (La Grande Ville), Teen Kanya (Trois Filles), Abhijan (L'Expédition) et Kapurush o Mahapurush (Le Lâche et le Saint).

Nouvelles orientations (1965–1982)

Dans la période qui suit Charulata, Ray explore une grande variété de genres, allant de la fantasy à la science-fiction, en passant par le policier et le drame historique. Ray procède également à de nombreuses expérimentations de forme au cours de cette période. Il prend aussi davantage en compte les préoccupations de la société indienne contemporaine, comblant ainsi une lacune de ses précédents films en la matière. Le premier film majeur de cette phase est Nayak (Le Héros), l'histoire d'une vedette de cinéma qui voyage en train, et rencontre une jeune journaliste sympathique. Avec Uttam Kumar et Sharmila Tagore dans les premiers rôles, le film explore, au cours des 24 heures de voyage, le conflit intérieur de l'idôle naissante, à la réussite apparente. Malgré un prix décerné par la critique à Berlin, le film rencontre un succès mitigé.

En 1967, Ray écrit un scénario pour un film intitulé The Alien, d'après sa nouvelle Bankubabur Bandhu (L'Ami de Banku Babu) qu'il avait écrite en 1962 pour Sandesh, le magazine familial. The Alien devait être une coproduction américano-indienne, produite par Columbia Pictures avec Peter Sellers et Marlon Brando comme têtes d'affiche. Toutefois, Ray est surpris de découvrir que le script qu'il a écrit a été copyrighté et que les droits ont été déposés. Par la suite, Brando est écarté du projet, et malgré une tentative de le remplacer par James Coburn, Ray rentre désabusé à Calcutta{{,}}. La Columbia exprime plusieurs fois le souhait de relancer ce projet au cours des années 1970 et 80, mais rien n'en sort. Quand E.T. l'extra-terrestre sort sur les écrans en 1982, Ray voit des ressemblances avec son script original — Ray analyse l'échec du projet dans un numéro de Sight & Sound de 1980, et d'autres détails supplémentaires sont fournis par son biographe Andrew Robinson (dans The Inner Eye, paru en 1989). Ray est convaincu que le film de Spielberg n'aurait pas été possible sans son scénario, disponible en Amérique sous forme de photocopies (une accusation que Spielberg récuse).

En 1969, Ray réalise ce qui sera son plus grand succès commercial. S'appuyant sur un conte pour enfant écrit par son grand-père Goopy Gyne Bagha Byne (Les Aventures de Goopy et Bagha) est une histoire musicale appartenant au genre fantasy. Goopy le chanteur et Bagha le percussionniste, munis de trois os prêtés par le Roi des Fantômes, entament un périple fantastique pour tenter d'empêcher le déclenchement d'une guerre imminente entre deux royaumes voisins. L'une de ses réalisations les plus coûteuses, ce film s'avère très difficile à financer. Ray finit par renoncer à tourner en couleurs, refusant une proposition qui l'aurait obligé à donner le rôle principal à un certain acteur du Bollywood. Ensuite, Ray signe un film inspiré du roman d'un jeune poète écrivain, Sunil Gangopadhyay. Comportant une structure musicale appréciée comme plus complexe que celle de Charulata, Aranyer Din Ratri (Des jours et des nuits dans la forêt) suit quatre jeunes hommes urbains allant passer leurs congés en forêt, pour essayer de laisser derrière eux leur existence insignifiante en ville. Presque tous font des rencontres significatives avec des femmes, ce que les critiques considèrent comme une étude révélatrice de la classe moyenne en Inde. Ray choisit l'actrice de Bombay, Simi Garewal, pour incarner une femme tribale, et elle se dit agréablement surprise que Ray ait choisi quelqu'un d'aussi urbain qu'elle pour ce rôle.

Après Aranyer, Ray fait une incursion dans la réalité bengalie, alors en pleine effervescence sous l'influence du mouvement d'extrême gauche naxalite. Il achève la trilogie de Calcutta : Pratidwandi (1970), Seemabaddha (1971), et Jana Aranya (1975), trois films conçus séparément, mais dont les connexions thématiques constituent une sorte de trilogie. Pratidwandi (L'Adversaire) traite d'un jeune diplômé idéaliste qui, bien qu'ayant perdu ses illusions, reste intègre jusqu'à la fin du film. Suit Jana Aranya (L'Intermédiaire), ou comment un jeune homme sombre petit à petit dans le monde de la corruption pour gagner sa vie. Enfin Seemabaddha (Company Limited en anglais) traite d'un homme prospère qui renonce à la morale pour s'enrichir davantage. Le premier d'entre eux, Pratidwandi, utilise un style de narration elliptique encore jamais vu dans les films de Ray, faisant appel à des scènes en négatif, des séquences oniriques et d'abrupts flashbacks. Dans les années 1970, Ray adapte aussi deux de ses histoires populaires en films policiers. Principalement destinés à un public d'enfants et de jeunes adultes, aussi bien Sonar Kella (La Forteresse d'Or) et Joy Baba Felunath (Le Dieu Eléphant) trouvent bon accueil chez quelques critiques.

Ray envisage de faire un film sur la guerre de libération du Bangladesh, mais abandonne ensuite cette idée, expliquant qu'en tant que réalisateur il est davantage intéressé par les efforts et les périples des réfugiés que par les politiques. En 1977, Ray termine Shatranj Ke Khiladi (Les joueurs d'échec), un film en ourdou d'après une nouvelle de Munshi Premchand, qui se passe à Lucknow dans la région de l'Awadh, un an avant la révolte des Cipayes (1857). Commentaire sur les circonstances qui permirent la colonisation de l'Inde par les Britanniques, c'est le premier long métrage de Ray dans une langue autre que le bengali. Il s'agit aussi du plus gros budget et de celui qui rassemble le plus de vedettes, parmi lesquelles Sanjeev Kumar, Saeed Jaffrey, Amjad Khan, Shabana Azmi, Victor Bannerjee et Richard Attenborough. Ray réalise une suite à Goopy Gyne Bagha Byne en 1980, le quelque peu exagérément politique Hirak Rajar Deshe (Le Royaume des diamants) — où le royaume du diabolique roi des diamants ou Hirok Raj est une allusion à l'Inde durant l'état d'urgence décrété par Indira Gandhi. Avec son court métrage Pikoo, son film en hindî d'une heure Sadgati constitue l'apogée de cette période de sa vie.

La dernière période (1983-1992)

En 1983, tandis qu'il travaille sur Ghare Baire (La Maison et le Monde), Ray est frappé par une crise cardiaque qui limitera sérieusement ses activités pendant les neuf années qui lui restent à vivre. Ghare Baire est achevé en 1984 avec l'aide de son fils (qui passe derrière la caméra à partir de ce moment), à cause de sa santé. Il désire depuis longtemps mettre à l'écran ce roman de Tagore qui traite des dangers du nationalisme et en a écrit le scénario (du moins une première ébauche selon ses dires) dans les années 1940. En dépit de raccords sommaires dus à sa maladie, le film est encensé par une partie de la critique. Il contient le premier véritable baiser de sa filmographie. En 1987, il réalise un documentaire sur son père, Sukumar Ray.

Les trois derniers films de Ray, réalisés après son rétablissement et avec des restrictions d'ordre médical, sont essentiellement tournés en intérieur, et ont un style qui leur est propre. Ils sont plus verbeux que ses films précédents et en général considérés comme inférieurs à son œuvre antérieure. Le premier, Ganashatru (Un ennemi du peuple) est une adaptation de la célèbre pièce d'Henrik Ibsen, et considéré comme le plus moyen des trois. Ray retrouve une partie de sa forme en 1990, dans le film Shakha Proshakha (Les Branches de l'arbre). Dans celui-ci, un vieillard, après une vie honnête, en vient à apprendre la corruption à laquelle se livrent trois de ses fils... La scène finale le montre trouvant du réconfort dans la compagnie de son quatrième fils, non corrompu mais malade mental. Après Shakha Prashakha, c'est le chant du cygne de Ray : Agantuk (Le Visiteur), d'humeur plus légère, mais grave dans le thème. La visite impromptue d'un oncle perdu de vue depuis longtemps à sa nièce, dans sa maison de Calcutta, fait croître la suspicion quant à ses raisons et soulève un éventail de questions à propos de la civilisation.

En 1992, l'état de santé de Ray se détériore à cause de complications cardiaques. Il entre à l'hôpital et ne se rétablira jamais. Quelques semaines avant sa mort, il reçoit un Oscar honorifique, alors qu'il est gravement malade. Il meurt le {{date}}.