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Simone, Nina (1933-2003)

Contents


Biographie

Jeunesse (1933–1954)

La mère d'Eunice, Kate Waymon née Mary Kate Irvin est femme de ménage et observe rigoureusement la foi. Son père, John Davan Waymon, a ouvert sa propre entreprise de nettoyage à sec et travaille à mi-temps comme coiffeur-barbier et parfois même comme chauffeur de camion pour gagner davantage d'argent. Leur vie devient suffisamment confortable pour que Kate puisse cesser de travailler et se consacrer à l'éducation de leurs quatre enfants. La famille s'installe à Tryon au début de l'année 1929 et John y ouvre son pressing. Kate donne naissance à Dorothy peu de temps après.

Mais la crise de 1929 oblige Kate à travailler comme femme de ménage et son mari à accepter les tâches les plus ingrates. Il subit une intervention chirurgicale qui aggrave davantage leur situation financière, obligeant la famille à s'installer dans un des quartiers les plus pauvres de la ville.

Eunice naît à Tryon en Caroline du Nord en 1933. Elle est le sixième enfant du couple qui en aura huit. Elle commence à jouer du piano dès l'âge de trois ans ; la première chanson qu'elle apprend est God Be With You, Till We Meet Again. Elle montre très tôt de grandes dispositions pour le chant et le piano qu'elle pratique à l'église locale et donne son premier concert, un récital classique, à douze ans. Nina Simone racontera plus tard que lors de cette performance, ses parents, qui avaient pris place au premier rang, ont dû se déplacer à l'arrière de la salle pour faire place à des blancs. Elle ajouta qu'elle avait refusé de jouer jusqu'à ce que ses parents aient repris leur place au devant de l'audience, incident ayant contribué plus tard à son implication dans le mouvement pour les droits civiques.

L'Institut Curtis de Musique : un rêve manqué de Nina Simone. La jeune pianiste est remarquée par la patronne de sa mère, Mrs. Miller, qui la conseille d'encourager ses dispositions et avec l'appui des voisins de Tryon crée un fonds pour recueillir l'argent destiné à financer sa formation. Elle propose également de payer pendant un an ses cours de piano et la présente à Muriel Massinovitch, Miss Mazzy, qui devient pour elle une seconde mère (la mère blanche). Pendant six ans, tous les samedi matin, elle va chez miss Mazzy. Cette expérience était pour elle la découverte d'un nouveau monde. Elle déclara plus tard que lorsqu'elle y découvrit la musique de Jean-Sebastien Bach, elle « faillit s'évanouir tellement c'était beau ». À cette époque, elle joue plus de trois heures de piano par jour.

Elle continue de travailler durement afin de devenir la « première concertiste classique noire en Amérique ». Dans ses mémoires, Nina Simone attribue cette phrase à sa mère. Miss Mazzy annonce qu'elle n'avait plus rien à apprendre à l'enfant, alors âgée de 12 ans. Pour que son élève puisse développer ses talents, elle propose le lycée Allen, un pensionnat pour enfants noirs surdoués situé à {{unité}} de Tryon. Elle y reste en pension complète sous surveillance et discipline strictes. Elle y entre en septembre 1945 et en sort major de sa promotion en juin 1950.

Miss Mazzy pense que seule la formation à l'Institut Curtis, un prestigieux institut de musique de Philadelphie, peut permettre à son élève de devenir la première concertiste classique noire en Amérique. Pour passer l'examen d'entrée, il est nécessaire d'effectuer une préparation à la Juilliard School of Music de New York. Grâce au soutien financier des personnes qui croient en ses capacités, Nina Simone s'installe à New York pour étudier et se prépare à l'épreuve entre le 3 juillet et le 11 août 1950. Elle est la seule élève noire de sa promotion. Elle n'est pas reçue. Sa déception est très grande car elle croit que ce refus est directement lié au fait qu'elle soit noire (bien que, plus tard, l'Institut se défend disant que plusieurs noirs y avaient déjà été reçus et formés avec succès, l'obstacle ayant été plutôt le très grand nombre de candidats pour à peine quelques places). Sa mère lui trouve une place d'employée chez un photographe à Philadelphie et avec le peu d'argent qui reste elle suit quelques semaines de cours avec Vladimir Sokhaloff qui aurait dû être son professeur au Curtis Institute.

Premiers succès (1954-1959)

Elle quitte peu de temps après son travail chez le photographe pour jouer comme pianiste-accompagnatrice chez un professeur de chant nommée Arlene Smith, afin d'accompagner ses élèves. Au bout d'un an, elle décide de s'installer à son compte, emmenant une partie des élèves de son ancienne employeuse. Cette période de sa vie est très dure, mais lui permet d'être indépendante et de continuer à payer ses cours avec le professeur Sokhaloff. Pour financer ses leçons privées, elle effectue des représentations au Midtown Bar & Grill à Atlantic City, jouant uniquement du piano ; mais le propriétaire l'oblige à chanter également, menaçant de la renvoyer si elle refuse. Elle choisit le nom de scène « Nina Simone » en 1954, pour cacher cette activité à ses parents. Le mot Nina, qui signifie « petite fille » en espagnol, est le surnom que lui avait donné un petit ami et Simone est emprunté à l'actrice Simone Signoret qu'elle avait vue dans le film Casque d'or de Jacques Becker. Nina Simone impose son style peu à peu. Le mélange de jazz, de blues et de musique classique qu'elle réalise au Midtown, lui permet d'obtenir un groupe d'admirateurs fidèles. En fin de saison, elle retourne à Philadelphie pour poursuivre ses précédentes activités.

Pendant la saison estivale qu'elle effectue en 1955 au Midtown Bar & Grill, elle rencontre Tex Axelrod, un passionné de musique qui lui fait découvrir les différents types de musique et lui suggère de chanter I Loves You, Porgy de George Gershwin (à partir de Porgy and Bess), qu'elle insiste à prononcer "I love you, Porgy" afin de ne pas reproduire le "petit nègre" dénigrant attendu par le public blanc. À la suite de cette saison, elle annonce à ses élèves qu'elle souhaite tenter sa chance dans les clubs de Philadelphie. Elle passe son temps entre les cours chez Sokhaloff et ses engagements. Elle avoue à ses parents d'où vient l'argent qu'elle leur envoie tous les mois. Cette révélation coupe alors les derniers liens avec sa mère qui considère cette musique comme « la musique du diable ».

Nina Simone fait une troisième saison au Midtown Bar & Grill où le propriétaire l'attendait avec impatience, elle lui permet d'afficher complet tous les soirs. Elle y rencontre Don Ross, un fêtard sans ambition, mais qui fut, sans doute son premier réel amoureux.

Un agent artistique new-yorkais, Jerry Fields, impressionné par ses interprétations, lui propose un contrat mais en demande l'exclusivité. Elle accepte et reçoit ensuite des offres d'engagements dans plusieurs clubs. Dans un de ces clubs, elle rencontre le guitariste Alvin Schackman et signe un premier contrat avec Syd Nathan, dirigeant du label King Records. Elle enregistre un premier disque de quatorze titres en une seule journée.

Après ses passages dans les petits clubs, elle enregistre en 1957 une interprétation de I Loves You, Porgy de George Gershwin (à partir de Porgy and Bess), qu'elle a appris à partir d'un album de Billie Holiday et interprété pour un ami. Le titre est devenu son unique succès au top 40 du Billboard aux États-Unis et son premier album Little Girl Blue a suivi peu après sur le label Bethlehem.

Nina Simone perd plus d'un million de dollars de droits d'auteur (principalement en raison du succès de la réédition de My Baby Just Cares for Me dans les années 1980) et n'a jamais tiré d'avantages financiers de l'album, après avoir vendu ses droits pour {{unité}}.

Début de popularité (1959-1964)

Après le succès de Little Girl Blue, Nina Simone signe un contrat avec la grande maison de disques Colpix Records, suivi par une série d'albums studio et live. Colpix renonce dans le contrat au contrôle de l'aspect créatif, y compris au choix du contenu qui doit être enregistré, en échange elle doit s'engager par contrat avec eux. La chanteuse, qui à cette période joue de la musique populaire afin de se faire de l'argent pour poursuivre ses études de musique classique, est audacieuse avec sa demande de contrôle sur sa musique parce qu'il lui était indifférent d'obtenir ou non un contrat d'enregistrement. Elle va garder cette attitude envers l'industrie du disque durant la majeure partie de sa carrière.

Elle épouse en 1961 un détective de la police de New York nommé Andrew Stroud, qui deviendra plus tard son manager. Leur fille Lisa Celeste Stroud naît le 12 septembre 1962.

Période des droits civiques (1964–1974)

En 1964, elle quitte son distributeur de disques américain Colpix pour le néerlandais Philips, ce qui entraîne un changement sur le contenu de ses enregistrements. Elle a toujours inclus à son répertoire des chansons qui suggèrent ses origines afro-américaines, comme les morceaux Brown Baby et Zungo sur l'album Nina at the Village Gate en 1962. Mais sur son premier album pour Philips en 1964 - un enregistrement en public nommé Nina Simone In Concert -, pour la première fois elle aborde ouvertement l'inégalité raciale qui est très répandue à cette période aux États-Unis avec la chanson Mississippi Goddam, qui est sa réponse à l'assassinat de Medgar Evers et à un attentat dans une église à Birmingham en Alabama ayant tué quatre enfants noirs. La chanson est parue en single et est boycottée dans certains états du sud{{,}}. Avec la chanson Old Jim Crow sur le même album, elle réagit aux lois Jim Crow. Marche de Selma à Montgomery à laquelle participe Simone en mars 1965. À partir de cet album, les enregistrements de Nina Simone intègrent un message pour les droits civiques, qui faisait déjà partie de ses interprétations en public. Elle joue et prend la parole lors de nombreuses grandes réunions publiques sur les droits civils, comme à la Marches de Selma à Montgomery en 1965. Nina Simone soutient la révolution par la violence durant la période pour les droits civiques, par opposition à l'approche de non-violence recommandée par le pasteur Martin Luther King et espère que les Afro-Américains pourront par la lutte armée former un État distinct (Simone n'est cependant pas raciste et écrit dans son autobiographie que sa famille et elle-même respectent l'égalité des races). Elle interprète la chanson Strange Fruit de Billie Holiday sur l'album Pastel Blues en 1965, une chanson sur le lynchage d'hommes noirs dans le Sud et chante le poème Images de Waring Cuney sur Let It All Out (1966), à propos de l'absence de fierté de la femme afro-américaine. Simone écrit également une chanson nommée Four Women qu'elle chante sur l'album Wild Is the Wind (1966), une chanson sur quatre différents stéréotypes de femmes afro-américaines. Cette chanson est interdite sur de nombreuses radios car elle est considérée comme politiquement provocatrice.

En 1967, elle quitte Philips pour rejoindre RCA Victor. Elle chante Backlash Blues écrite par son ami Langston Hughes sur son premier album RCA, Nina Simone Sings The Blues (1967). Sur l'album Silk & Soul (1967), elle enregistre le titre I Wish I Knew How It Would Feel to Be Free composé par le pianiste Billy Taylor et Turning Point. L'album Nuff Said contient des chansons enregistrées le 7 avril 1968 en public dans la salle de spectacle du Westbury Music Fair à New York, trois jours après l'assassinat de Martin Luther King. Elle lui dédie tout le spectacle et chante Why? (The King of Love Is Dead), une chanson écrite par son bassiste Gene Taylor, peu après l'annonce de la mort du pasteur.

En collaboration avec le compositeur Weldon Irvine, elle transpose en chanson pour les droits civiques la pièce inachevée intitulée To Be Young, Gifted and Black de la dramaturge américaine Lorraine Hansberry. Hansberry était une amie avec qui elle reconnaît avoir développé sa conscience sociale et politique. Elle chante la chanson en public sur l'album Black Gold (1970). Un enregistrement studio est paru en single et la chanson a été reprise plus tard par Aretha Franklin sur l'album Young, Gifted and Black sorti en 1972 avec Donny Hathaway{{,}}.

Fin de carrière (1974–2003)

Nina Simone quitte les États-Unis en septembre 1970 en direction de la Barbade, comptant sur son mari et manager Andrew Stroud pour lui indiquer lorsqu'elle doit reprendre la scène. Stroud interprète cependant la disparition soudaine de Nina Simone (ayant laissé derrière elle son alliance) comme une indication d'un désir de divorce. En tant que manager, il est aussi chargé des revenus de Nina Simone. Ainsi, après leur séparation, Simone ne sait pas précisément de quelle façon ses activités ont été gérées. À son retour aux États-Unis, elle apprend qu'elle était recherchée pour des impôts impayés, l'obligeant à retourner à la Barbade pour se soustraire aux autorités et aux poursuites. Simone séjourne à la Barbade quelque temps et entretient une longue liaison avec le Premier ministre de la Barbade, Errol Barrow{{,}}. La chanteuse Miriam Makeba, une amie proche, la convainc d'aller au Liberia. Après cela, elle part vivre en Suisse et aux Pays-Bas, avant de s'installer en France en 1992.

Le club de jazz Ronnie Scott's où Simone enregistre un album en public en 1984. Au cours de l'année 1974, Simone enregistre son dernier album pour RCA Records intitulé It Is Finished et n'enregistre pas d'autre album avant 1978 lorsque Creed Taylor, patron de CTI Records, la persuade de retourner en studio d'enregistrement. Il en résulte son unique album pour ce label, Baltimore, qui n'est pas un succès commercial et les critiques sont mitigées. Son choix sur le contenu des albums conserve son éclectisme, allant des chansons spirituelles à Rich Girl du duo pop américain Hall and Oates sur l'album Baltimore. En 1978 également, elle est arrêtée puis rapidement relâchée, pour avoir refusé de payer ses impôts de 1970 à 1973, en protestation contre l’engagement de son pays dans la guerre du Viêt Nam. Quatre ans plus tard, en janvier 1982, Simone enregistre, aux studios Davout l'album Fodder on My Wings pour le label français « Carrère ».

Nina Simone séjourne à Paris entre 1981-1983 où elle donne quelques représentations à caractère « intime » dans des petites salles du quartier Latin et de l'Île Saint-Louis ainsi qu'au Palais des Glaces (Rue du faubourg du Temple) où le public n'est pas au rendez-vous faute de promotion adéquate. Sur scène, les soirs où elle accepte de chanter, elle est accompagnée des trois musiciens avec lesquels elle vient d'enregistrer l'un de ses derniers grands albums originaux (Sydney Thiam, percussions africaines, Sylvain Marc, basse et Paco Séry, batterie. {{référence nécessaire}}. Au cours des années 1980, Simone a l'occasion de se produire régulièrement au célèbre club de jazz londonien Ronnie Scott's, où elle enregistre en 1984 l'album Live at Ronnie Scott. En 1987, la renaissance du label Verve lui permet d'enregistrer un album en public (Let It Be Me) et de revenir sur le devant de la scène. De plus, la version originale du titre My Baby Just Cares for Me datant de 1958 est utilisée dans une publicité sortie au Royaume-Uni pour le parfum {{n°}} de Chanel. Cela conduit à sa réédition, la plaçant à la {{5e}} position dans le classement des singles au Royaume-Uni en lui offrant une brève et soudaine popularité. L'autobiographie de Nina Simone intitulée I Put a Spell on You paraît en 1992 et elle enregistre son dernier album A Single Woman l'année suivante.

En 1993, Simone s'installe près d'Aix-en-Provence dans le sud de la France. En 1998, elle est l'invitée spéciale de l'anniversaire de Nelson Mandela. En 1999, elle est récompensée pour l'ensemble de sa carrière au music award à Dublin. Elle reçoit en 2000 le prix de Diamond Award for Excellence in Music de l'association de la musique afro-américaine de Philadelphie. Sa dernière apparition sur scène remonte à août 2000 en France sur une scène du festival Jazz in Marciac (Gers) et en juillet 2002 en Pologne.

Après plusieurs mois de maladie, elle meurt le 21 avril 2003 à son nouveau domicile, d'un cancer du sein, dont elle souffrait depuis des années. Elle venait d'emménager à Carry-le-Rouet dans les Bouches-du-Rhône. (Elle s'était installée à Bouc-Bel-Air auparavant, où elle vivait depuis huit ans.) De nombreux artistes sont présents à ses funérailles dont les chanteuses Miriam Makeba et Patti LaBelle, la poétesse Sonia Sanchez, l'acteur Ossie Davis et des centaines d'autres. Ses cendres ont été dispersées selon ses souhaits dans plusieurs pays africains.

Elle laisse derrière elle une fille, Lisa Celeste, devenue actrice et chanteuse, qui a pris comme nom de scène Simone et qui a notamment joué à Broadway dans Aida en 2002.