Corneau, Alain (1943-2010)
Biographie
Fils d'un vétérinaire de campagne, il grandit sur les bords de la Loire. Il fait ses études secondaires au lycée Pothier à Orléans, où en 1955-1956, son professeur d'histoire-géographie est Pierre Vidal-Naquet.
Attiré dès l'enfance par le cinéma grâce à son père, il se tourne un peu plus tard vers le jazz ; il apprend en autodidacte la batterie, qu'il pratique à Orléans au sein de diverses formations de musiciens franco-américains. Puis il décide de faire des études de cinéma et est admis à l'IDHEC. Fasciné par le cinéma américain, il illustre néanmoins, dans sa carrière, un éventail de genres assez large, allant de la fresque épique avec Fort Saganne à la psychologie intimiste grâce aux Mots bleus. On retrouve fréquemment le thème de la confrontation et du départ pour un pays étranger, laissant place à une quête d'identité douloureuse.
Le début de sa carrière est marqué par le genre policier, mariant une construction narrative maîtrisée à une certaine noirceur du point de vue, souvent considérées comme des hommages aux roman et film noirs américains dont il reprend les archétypes mais en y creusant des psychologies. Après trois succès commerciaux estimables, il réalise un film à contrecourant de ses premières réalisations : Série noire, drame psychologique tranchant et d'un pessimisme profond, porté par une direction d'acteurs de premier ordre (Patrick Dewaere, Marie Trintignant, Myriam Boyer, Bernard Blier). L'œuvre laisse sa marque dans le cinéma français.
Il adapte ensuite un roman historique de Louis Gardel : Fort Saganne, et réalise ce qui est à l'époque le film le plus cher du cinéma français, avec Gérard Depardieu, Catherine Deneuve et Sophie Marceau. Il y dévoile un sens aigu du grand spectacle et de la durée, malgré des conditions de tournage difficiles dans le désert mauritanien.
Il change radicalement d'atmosphère, de lieu et d'envergure pour adapter le Nocturne indien d'Antonio Tabucchi. L'Inde, une équipe et un budget légers, un traitement intimiste et une tonalité fantasmagorique, voire onirique (rendue notamment par le travail d'Yves Angelo sur la photographie) lui permettent de se consacrer complètement à un thème déjà en filigrane dans ses films précédents : le nouveau départ, l'interrogation sur le sens de l'existence, le flou sur l'identité et les quêtes douloureuses et indélébiles pour y échapper et pour finalement se trouver.
Avec le film d'époque Tous les matins du monde, d'après un roman éponyme de Pascal Quignard, dont la musique est le vrai personnage principal, il rencontre un succès public et critique inattendu, sur un sujet quelque peu austère (l'histoire d'un violiste au {{XVIIe siècle}}) traité sans emphase, avec un Jean-Pierre Marielle au sommet de son art. Le film est récompensé, en 1992, par sept Césars, dont celui de la meilleure musique, le César du meilleur film et celui du meilleur réalisateur. Alain Corneau au Festival du film français de Yokohama, le {{date}}. Il effectue une nouvelle plongée dans un monde étranger, japonais cette fois, avec son adaptation de Stupeur et tremblements de l'écrivaine belge Amélie Nothomb, dont l'héroïne semble montrer une identité plus mûre et un meilleur recul sur son environnement que les héros de ses premiers films.
En 2004, l'ensemble de son œuvre cinématographique est distinguée par le prix René-Clair décerné par l'Académie française.
En 2006, Grégory Marouzé lui consacre le documentaire Alain Corneau, du noir au bleu qui retrace le parcours du cinéaste, aborde sa mise en scène, ses influences et ses thèmes fondateurs.
En 2010, le prix Henri-Langlois lui est décerné pour l’exemplarité de ses choix et de son parcours cinématographique qui a su mêler avec subtilité des films de genres très divers, où la quête initiatique du ou des héros est toujours empreinte d’une grande spiritualité mêlée d’humilité et de générosité envers l’autre.
Corneau meurt des suites d'un cancer du poumon, dans la nuit du dimanche 29 au lundi 30 août 2010.
Ses derniers compagnons de route du cinéma lui ont très vite rendu hommage en parlant d'{{citation}} (Kristin Scott Thomas) et de {{citation}} (Patrick Mille).
Le samedi 4 septembre 2010, ses proches et ses amis font leurs adieux au piano et à la viole de gambe à ce passionné de musique, inhumé dans le cimetière du Père-Lachaise (division 45) auprès de Marie Trintignant (1962-2003). La cérémonie des obsèques dans les allées du cimetière est ouverte par Jordi Savall qui joue trois pièces de Marin Marais, auquel le réalisateur a rendu hommage dans Tous les matins du monde.
Vie privée
Sa compagne de longue date a été l'auteur et cinéaste Nadine Trintignant. Il faisait partie de la cellule spectacle des Comités d'alliance ouvrière, proche de l'OCI (l'Organisation communiste internationaliste) avec les réalisateurs et acteurs, Bernard Murat, Alex Métayer, Andrée Tainsy, André Julien, Paulette Frantz, Nadine Trintignant, Delphine Seyrig et Dominique Labourier et dont Bertrand Tavernier était sympathisant.
Citation
Corneau réalise toute son œuvre en quête d'identité, faite d'acceptation des différences. Il l'avoue :
- « Ce qui me perturbe aujourd'hui, surtout dans l'environnement actuel, c'est tout ce qui est très défini, la recherche d'une soi-disant pureté personnelle, puretés de civilisations… Tout ça me panique complètement. C'est un mot qui me fait peur, car c'est un mot qui aboutit au fondamentalisme, toujours. Si on accepte les différences, tout type d'influence, le fait qu'on est fait de plein de choses, à ce moment-là on n'a plus de danger, on est prêt à accepter même des choses que l'on ne comprend pas. Une chose que je ne comprends pas, je l'accepte mille fois plus qu'une chose que je comprends. »