Desroches-Noblecourt, Christiane (1913-2011)
Biographie
Égyptologue
Elle est issue d'une famille bourgeoise cultivée. Son père, Louis Desroches, licencié ès lettres, rêvait d'une carrière de diplomate, mais pour des raisons familiales, il fit une carrière d'avocat puis dans la haute administration. Sa mère, Madeleine Lapré, fut une des premières femmes à obtenir une licence de lettres classiques à la Sorbonne.
Elle se passionne pour la découverte du tombeau de Toutânkhamon par Howard Carter en 1922. Elle est élève au lycée Molière (Paris) où elle croise Jacqueline David, future Jacqueline de Romilly. Après une licence d'études égyptiennes à l'École pratique des hautes études et des études à l'École du Louvre, elle sera encouragée par l'abbé Étienne Drioton (qui plus tard remplace Pierre Lacau à la tête du service des Antiquités), et entre au département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre en 1936. Première femme nommée au poste de pensionnaire de l'Institut français d'archéologie orientale, dirigé à l'époque par Pierre Jouguet, le beau-père de Jean-Philippe Lauer. Elle est également la première à diriger en 1938-1939 une fouille : le secteur de l'Ancien Empire dans la nécropole antique sur le chantier de fouilles de la mission franco-polonaise responsable du site d'Edfou. C'est avec les deux autres membres de cette mission (Casimir Michalowski, professeur à l'université de Varsovie et Joseph Rozier de Linage, égyptologue qui y dirigeait le secteur du Moyen Empire), qu'elle effectue ses premières recherches ainsi qu'un voyage d'études pour trouver avec eux un nouveau site de fouilles sur les rives du Haut Nil, voyage qui les conduit en bateau, en 1939, devant les temples d'Abou Simbel puis en Nubie jusqu'à Wadi Alfa et par le train à Khartoum au Soudan. C'est donc tout naturellement qu'elle prit plus tard la tête d'une croisade internationale qui devait assurer, dans les années 1960, le déplacement des temples de Ramsès et de Néfertari pour leur éviter d'être ensevelis sous les eaux du Nil après la construction du second barrage d'Assouan.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle fait partie de la Résistance, et met à l'abri en zone libre (notamment au château de Saint-Blancard dans le Gers) les trésors du département égyptien. Elle a été professeur à l'École du Louvre de 1937 à 1982 (cours d'épigraphie égyptienne, puis cours d'archéologie égyptienne).
Sauvetage des monuments de Nubie
Scène de découpe des colosses de la façade du grand temple d'Abou Simbel lors du sauvetage des deux temples en 1967.
La construction du nouveau barrage d'Assouan allait devenir la grande affaire de sa vie. Le premier barrage, inauguré en 1902, dont la capacité d’un milliard de mètres cubes s'était avérée insuffisante, avait été rehaussé en 1912, puis en 1934. Pierre Loti s’en était ému : {{Citation}}. La capacité du barrage ne suffisant pas aux besoins d’une population toujours plus nombreuse, le gouvernement dirigé par Gamal Abdel Nasser décide en 1954 d’édifier un barrage d’une capacité de 157 milliards de mètres cubes, long de {{Unité}} et qui recouvrira même des terres au Soudan. C’est un projet « pharaonique ».
Cette fois, ces monuments vont purement et simplement être engloutis et perdus à tout jamais, parmi lesquels les temples d'Abou Simbel. L’Unesco demande aussitôt à Christiane Desroches Noblecourt, conservateur des Antiquités égyptiennes du Louvre, héritière donc de Jean-François Champollion, d’établir un inventaire de tous les monuments menacés. En second, il faudra trouver les fonds nécessaires à une aussi colossale entreprise.
Le {{Date}}, Christiane Desroches Noblecourt, en compagnie de Sarwat Okasha, ministre égyptien de la culture, lance un appel solennel à la solidarité mondiale depuis la tribune de l’UNESCO. En plus des quatorze temples qu’il faut déplacer, il s’agit de procéder à des fouilles de toute urgence, sur des sites qui seront recouverts par des dizaines de mètres d’eau et qui n’ont été que très peu étudiés en détail.
André Malraux, alors ministre d’État des Affaires culturelles, intervient rapidement : {{Début citation}}Le pouvoir qui en fit surgir les colosses aujourd'hui menacés, les chefs-d'œuvre du musée du Caire, nous parle d'une voix aussi haute que celle des maîtres de Chartres, que celle de Rembrandt.
Votre appel n'appartient pas à l'histoire de l'esprit parce qu'il vous faut sauver les temples de Nubie, mais parce qu'avec lui, la première civilisation mondiale revendique publiquement l’art mondial comme son indivisible héritage.
Il n'est qu'un acte sur lequel ne prévalent ni l'indifférence des constellations ni le murmure éternel des fleuves : c'est l'acte par lequel l'homme arrache quelque chose à la mort.{{Fin citation}}
En pleine guerre froide, cinquante pays vont contribuer à sauver ces monuments qu’on classe au patrimoine de l’humanité, car ils font partie de l’héritage de toutes les nations. Philæ, Kalabcha, Ouadi es-Séboua, Dakké, Derr et d'autres sites sont déplacés, dont les plus médiatiques sont les temples d'Abou Simbel.
Le temple d'Amada est un cas plus délicat à cause des reliefs miniatures {{quoi}}. Le découper en blocs est irréalisable, car les peintures n’auraient pas résisté. Voyant que tous acceptent l'idée de voir ce temple englouti par les eaux limoneuses du lac Nasser, Christiane Desroches Noblecourt s’écrie : {{Citation}}.
Elle demande à deux architectes de lui proposer une méthode pour déplacer le temple en un seul bloc. Ceux-ci pensent qu’il faut mettre le temple en précontrainte, le déposer sur des rails, le transporter par piston à quelques kilomètres de là, en un lieu plus haut de soixante mètres. Avoir une idée est une chose, s’en donner les moyens en est une autre.
À cet effet, Christiane Desroches Noblecourt demande une entrevue avec le général de Gaulle, qui ignore l’engagement qu’a pris l’égyptologue au nom de son pays. Lorsqu’il l’apprend, il se raidit : {{Citation}}.
Décontenancée, le conservateur ne trouve son salut que dans l’attaque : {{Citation}}. Dans un sourire le général passa outre, sachant par ailleurs que les fonds nécessaires étaient réunis grâce à de nombreux appuis. Ainsi, le temple d’Amada sera sauvé par la France, comme le conservateur du département égyptien du Louvre s’y était engagée.
Il faudra vingt ans pour mener à bien ces sauvetages, et ces vastes chantiers peuvent être qualifiés de pharaoniques par leur démesure, et l’inscription du petit temple de Néfertari s’y applique à merveille : {{Citation}}.
Le sauvetage des monuments de Nubie va avoir des conséquences inattendues. La première est une amélioration des rapports franco-égyptiens, après la désastreuse intervention du Canal de Suez, qui se traduit, de février à juin 1967, par l’organisation d’une exposition Toutânkhamon au Petit Palais à Paris, avec {{Unité}}, ce qui constitue un record inégalé pour une exposition en France. Prévue pour durer jusqu'en juillet, l'exposition est fermée au public quand éclate la Guerre des Six Jours.
En 1976, l’exposition Ramsès {{II}} à Paris accueille {{Unité}}, accompagnée du sauvetage de la momie du plus connu de tous les pharaons, {{Pas clair}}.
Enfin, dernière conséquence pour le Louvre, le gouvernement d'Anouar el-Sadate, qui a succédé à Nasser, décédé deux ans plus tôt, en remerciement de sa contribution au sauvetage des monuments de Nubie, offre le buste d'Amenhotep {{IV}}, plus connu sous le nom d’Akhénaton.
En 1984, grâce à la donation de Germaine Ford de Maria et assistée de Christian Leblanc, Christiane Desroches Noblecourt déblaye et aménage la vallée des reines. Plus de {{Unité}} sont enregistrées et explorées.
En 1998, elle fait placer sur l'obélisque de la place de la Concorde un pyramidion (la couverture du sommet en métal doré).