Baudrillard, Jean (1929-2007)
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Biographie
D'origine paysanne, il est fils unique et son père est gendarme. Remarqué à l'école primaire par ses instituteurs, ceux-ci l'aident à intégrer le lycée et à devenir boursier. C'est au lycée Henri-IV à Paris, où il prépare le concours d'entrée à l'École normale supérieure, qu'il fait sa première rupture radicale, à la fois amicale, amoureuse, studieuse et révolutionnaire, en tournant le dos au concours, pour aller s'établir comme ouvrier agricole puis maçon à la tâche, dans la région d'Arles, dans la tradition des « intellectuels établis » telle que l'a popularisée la philosophe Simone Weil.
À son retour, il finit ses études supérieures à l'université des langues de la Sorbonne, et obtient le CAPES en allemand. Nommé successivement dans différents lycées en France, puis lecteur résident des universités en Allemagne et lecteur de littérature allemande aux éditions du Seuil, il traduit plusieurs ouvrages, notamment avec Gilbert Badia Dialogue d'exilés de Bertolt Brecht, pour l'Arche, Marat-Sade de Peter Weiss, d'autres avec Gilbert Badia, Henri Auger, et Renée Cartelle, pour les Éditions Sociales, ainsi que L'Idéologie allemande de Karl Marx. Il traduit également les poèmes de Hölderlin qui resteront inédits jusqu'à leur publication dans Les cahiers de l'Herne, en 2005. Il publie plusieurs articles critiques en littérature internationale dans Les Temps modernes.
De son premier mariage avec Lucile, il a deux enfants, Gilles et Anne. En pleine guerre d'Algérie, sa paternité lui vaut de rester dans la région parisienne pendant son service militaire, comme archiviste au Centre du cinéma des armées (où il rencontre l'acteur Jean-Louis Trintignant).
Nanterre
Jean Baudillard
Jean Baudrillard fait sa seconde rupture en cessant l'enseignement secondaire, et opte pour la philosophie politique en entreprenant une thèse de doctorat en troisième cycle de sociologie de la vie quotidienne, discipline associée à la sociologie urbaine et fondée en France par le philosophe Henri Lefebvre, tout en suivant les cours de Roland Barthes à la {{VIe}} section de l'École pratique des hautes études.
Son premier ouvrage théorique, Le Système des objets, paraît en 1968 — tardivement selon ses propres mots, puisqu'il est alors âgé de 39 ans. En même temps, Jean Baudrillard est devenu chargé de cours (puis assistant et maître de conférences) à l'université de Nanterre, dans le département d'Henri Lefebvre. N'ayant jamais voulu soutenir de thèse, il n'obtiendra jamais le statut de professeur des universités, malgré plus de vingt ans passés à enseigner à Nanterre.
Jean Baudrillard est l'une des figures pédagogiques de référence des activistes du mouvement du 22-Mars. Des années plus tard, Baudrillard déclarera :
« On passait de l'histoire transcendante, la grande Histoire, à une sorte de contre-histoire. On descendait vers l'anodin et la banalité qui devenaient des objets dignes d'intérêt sur le plan historique (…) On était déjà redescendu de l'Histoire, des grands mouvements sociaux et historiques. Et finalement, sous ses airs un peu bénins, cette plongée dans la vie quotidienne, même si je n'aime pas beaucoup ce terme qui est un peu réducteur, c'était quand même une espèce de révolution. En fait, plutôt une involution par rapport à l'Histoire. On descendait de la transcendance de l'Histoire dans une espèce d'immanence de la vie quotidienne, et à travers elles toutes ces choses telles que la sexualité qu'on avait largement oubliées dans l'idéalisme historique. »
Il est également l'un des créateurs de la revue-groupe « Utopie » (1967/1980), enseignant à l'université Paris-X Nanterre et directeur scientifique à l'université Paris-IX Dauphine (1986/1990), et cofondateur du comité de rédaction du CCI en 1967 puis du CNAC Pompidou, Traverses. Il était enfin membre de la direction de la revue canadienne anglophone {{Lien}}.
Un des passeurs de l'œuvre de Jean Baudrillard aux États-Unis est l'éditeur de Semiotext(e) et ancien membre du Cerfi, dont la thèse a également été informée par Roland Barthes, Sylvère Lotringer ; il a émigré à New York pour devenir professeur en littérature comparée et française, à l'université Columbia, et poursuit son activité d'éditeur chercheur avant-gardiste. Notamment, dans les années 1980, il organise l'accès du philosophe à l'art contemporain et aux avant-gardes new-yorkaises et sa rencontre avec Andy Warhol, sur lequel l'auteur écrira Le Snobisme machinal, texte inaugural de la rétrospective du CNAC Pompidou, en 1997. Auparavant, Jean Baudrillard fait un premier séjour aux États-Unis, dans le Colorado, à l'occasion du colloque de Aspen en 1970 , puis il découvre les universités californiennes, rencontrant lors de ses voyages les grandes figures intellectuelles et littéraires du moment, tels Marshall Mac Luhan, Philip K. Dick, Paul Watzlawick et probablement d'autres membres de l'école de Palo-Alto ou de la pensée Cyber. C'est aussi l'époque d'une carrière italienne du sociologue philosophe, invité chaque année par le mouvement sémiotique de Umberto Eco, à Urbino. En même temps et après, les autres pays le demandent. Il ne faut pas plus d'une dizaine d'années pour qu'il devienne connu aux quatre coins du monde, alors que son pays persiste à ne pas lui accorder d'importance, sauf au ministère des affaires étrangères qui reçoit des centres culturels et des consulats les offres d'invitation à Jean Baudrillard.
Critique du rationalisme et de l'épistémologie scientifiques et des concepts relatifs de réalité et de virtualité, sa philosophie l'a amené à accepter l'honneur de Satrape du Collège de 'Pataphysique en 2001. En fait, la Pataphysique lui est connue depuis sa classe de Philosophie à Reims, où il a été introduit à 18 ans par son professeur même, dans cette « science des solutions imaginaires ». Il est membre de l'Institut de recherche sur l’innovation sociale au CNRS{{Référence nécessaire}} et rédige de nombreux articles et critiques dans la presse. Il montre comment les tendances sociologiques contemporaines comme les commémorations, les « tsunactions » (réaction de la société comme celle qui a eu lieu après le tsunami qui a frappé les côtes sud-asiatiques en 2005) et autres excès sont les moyens obscènes de l'extension quasi- «totalitaire» du Bien pour obtenir une cohésion.
Il inspire de nombreux artistes, musiciens et cinéastes, depuis les simulationnistes de New York jusqu'aux frères Wachowski de Matrix, dont il dénonça la récupération : « Matrix, c’est un peu le film sur la Matrice qu’aurait pu fabriquer la Matrice ». Malgré Le Complot de l'art, critiquant vivement la « nullité » de l'art contemporain, Jean Baudrillard était un amateur d'art ; les archives au Whitney Museum en attestent. Il a aussi cherché son inspiration dans la science-fiction, où sans doute il pioche diverses idées stylistiques, notamment l'excès hyperbolique qu'il appliquera expérimentalement dans son propre cadre d'écriture sociologique.
Chanson
Jean Baudrillard est aussi l'auteur de textes chantés par Megumi Satsu, chanteuse japonaise : Suicide-moi et Lifting zodiacal.
Photographie
L'œuvre photographique constitue une exploration parallèle des voyages et des décors collectifs ou familiers du philosophe. {{Référence nécessaire}} ; il est certain que le gadget devint un compagnon inséparable, accompagnant tous les déplacements de celui devenu l'« objecteur de vision » ; puis les photos développées changèrent de format, structurant l'œuvre seconde… Elle est complémentaire de son œuvre écrite et permet de saisir l'« objet qui vient se débarrasser du sujet en se donnant à l'objectif », y compris son propre corps photographié, ce que l'écriture n'aurait pu actualiser.
Sa première exposition eut lieu à la Maison européenne de la Photographie en 2000, à Paris, et depuis s'est déplacée dans le monde. D'ailleurs, la photographie en général a inspiré de {{nonneutre}} textes à Jean Baudrillard, y compris répondant à l'appel de photographes comme au collectif « Tendance floue », dont le livre Sommes-nous ?, avec un texte du philosophe qui les a suivis depuis leur premier ouvrage de librairie, a remporté l'Infinity Award 2007 du meilleur livre de photographie, de lInternational Center of Photography à New York. Avec le colloque au sujet de sa philosophie, au centre d'Art ZKM de Karlsruhe, ce fut la {{nonneutre}} exposition La Disparition du monde dans l'espace de la Documenta, à Cassel, recension de ses photographies depuis les années 1970, pour la célébration allemande de ses 75 ans, en hommage à son œuvre, en 2004-2005.
Le débat critique solidaire
Jean Baudrillard a été solidaire et amical avec des philosophes postmodernes de sa génération et les a visités jusque dans leurs derniers moments. Lui-même a rencontré la solidarité de ses proches amis, notamment Michel Maffesoli, Edgar Morin, Marc Guillaume, Jacques Donzelot, François Barré, Paolo Fabbri, Jean-Paul Curnier, Françoise Gaillard, Sylvère Lotringer, {{Lien}}, Jean Nouvel, Yann Kersalé, François Seguret, Henri-Pierre Jeudy, Guy Peellaert et d'autres rencontrés plus tard, tel François L'Yvonnet.
En 1995, il épouse Marine Dupuis, directrice de la photographie du magazine Sciences et Avenir, entre autres, qui l'accompagnera dans la plupart de ses déplacements pour les conférences et les expositions.
En 2005, il reçoit la Médaille d'Or du Círculo de Bellas Artes (Espagne).
Une cérémonie sans condoléances
Le {{date}}, Jean Baudrillard est mis en terre au cimetière du Montparnasse, à Paris. Cérémonie laïque et sans condoléances avec des interventions officielles et privées contradictoires, situation {{nonneutre}} faisant dire au philosophe René Schérer, présent parmi le public : « Tout ça est parfaitement normal, l'enterrement de Baudrillard n'a pas eu lieu et c'est tant mieux, à présent il va vivre ».{{Référence nécessaire}}
Son œuvre forme un dispositif expérimental en triptyque dont chaque partie présente un miroir critique de l'autre : l'œuvre éditée, l'œuvre médiatique, l'œuvre photographique.