Mann, Thomas (1875-1955)
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Biographie
Thomas Mann en 1932. Thomas Mann en 1949. Thomas Mann naît le 6 juin 1875 à Lübeck dans une riche famille patricienne de négociants en grains. Son père, Thomas Johann Heinrich Mann, consul des Pays-Bas dès 1864, est élu au Sénat de la ville de Lübeck en 1877 ; sa mère née Julia da Silva-Bruhns originaire du Brésil est issue d'une famille de commerçants germano-brésilienne. En mai 1890, la maison de commerce fête son centenaire, mais le 13 octobre 1891 le sénateur Mann meurt à 51 ans, laissant un testament qui prévoit la dissolution de la maison de commerce. Les études de Thomas Mann, d'abord dans une école privée puis au Katharineum ensuite, ne sont guère brillantes. En 1892, la mère de Thomas Mann s'installe à Munich, où il la rejoindra en 1894.
Formation
Dès 1892, il écrit quelques textes en prose et des articles pour le magazine Der Frühlingssturm (« la Tempête du printemps ») qu'il coédite. En 1894, retrouvant sa mère, ses frères et ses sœurs à Munich, il travaille pour une société d'assurances. Il abandonne cette profession en 1895 pour parachever sa formation intellectuelle et devenir écrivain libre. Il fait paraître l'un de ses premiers récits dans la revue Die Gesellschaft, et quelques articles dans la revue Das zwanzigste Jahrhundert dirigée par son frère Heinrich Mann. Il se familiarise avec les pensées de Schopenhauer et Nietzsche, découvre les théories freudiennes naissantes, puis étudie les œuvres littéraires de Goethe, Schiller, Lessing, Dostoïevski, Tchekhov, Fontane, ainsi que la musique de Richard Wagner. Tous seront pour lui des modèles et il leur consacrera plus tard de nombreux articles ou essais. Thomas Mann découvre l'Italie avec son frère Heinrich de juillet à octobre 1895, puis durant l'automne 1896.
Premières œuvres
L'éditeur S. Fischer lui commande en mai 1897 une œuvre d'ampleur en prose : Thomas Mann commence la rédaction de son premier roman, largement inspiré de l'histoire familiale, sur la grandeur et la décadence d'une famille dans l'Allemagne au tournant du {{XIXe siècle}} : Buddenbrooks (Les Buddenbrook), qui paraît en 1901. En 1903, il publie Tonio Kröger qui conte l'amour tourmenté d'un jeune homme pour deux de ses camarades de classe, Hans Hansen et Inge Holm, dont une large part est autobiographique comme en témoigne la correspondance de l'auteur. Le {{date}}, il épouse Katia Pringsheim (1883 Feldafing - 1980 Kilchberg), petite-fille de la féministe Hedwig Dohm.
En 1912, il publie der Tod in Venedig (La Mort à Venise). La ville de Venise et le Grand Hôtel des Bains sur l'île du Lido, où séjourne Mann en mai-juin 1911, sont au cœur de cette nouvelle inspirée par la mort du compositeur Gustav Mahler que Mann apprend précisément le 18 mai 1911. Mais c'est aussi à Venise qu'est mort, en 1883, Richard Wagner à qui Mann dédie un essai durant la même période. Enfin, c'est sur la plage du Lido que Mann voit se réveiller son homosexualité latente devant la beauté d'un jeune noble polonais de quatorze ans. Cette œuvre que Mann désigne comme "une tragédie" est une réflexion sur la mort, l'amour, le mal, l'art et la culture. Œuvre profondément personnelle en rupture avec le naturalisme des débuts, La Mort à Venise exprime les angoisses d'un homme aux prises avec ses propres démons, marqué par la maladie et la mort de ses proches (sa femme souffre d'une maladie pulmonaire et sa sœur Carla s'est suicidée l'année précédente) et enfin par la menace de guerre qu'il perçoit dans la crise franco-allemande de 1911.
La conversion aux idées libérales
Un séjour en sanatorium à Davos et la catastrophe de la Grande guerre dans laquelle il est impliqué (prenant un temps parti pour l'Allemagne impériale) lui fournissent le sujet de son roman le plus célèbre, Der Zauberberg (La Montagne magique), paru en 1924. Cette œuvre, conçue comme une relecture ironique du Bildungsroman (« roman de formation »), constitue une étape importante dans son évolution intellectuelle en ce qu'elle marque symboliquement son ralliement aux idées libérales, après une proximité avec le courant de la Révolution conservatrice symbolisée par ses Considérations d'un apolitique, ouvrage important publié en 1918. Outre les considérations politiques, la structure narrative de l'ouvrage incorpore des réflexions artistiques, esthétiques, philosophiques, historiques et spirituelles et plusieurs théories littéraires. Cette vaste parabole sur la déchéance spirituelle, l'amour et la mort, avec l'Europe d'avant la Première Guerre mondiale pour toile de fond, lui vaut la renommée internationale. Mais l'Académie suédoise lui attribue le prix Nobel de littérature en 1929 pour Les Buddenbrook. Face à la montée des extrémismes en Europe, Mann publie, l'année suivante, la nouvelle Mario et le Magicien qui évoque le danger des régimes fascistes et de la lâcheté intellectuelle.
L'exil
Dès 1933, il émigre en Suisse et s'installe à Küsnacht, près de Zurich, afin de se tenir éloigné de la tourmente politique que connaît alors son pays. Les premiers mois du régime nazi le convainquent, après un moment d'hésitation, de ne pas retourner en Allemagne. En 1936, il est déchu de la nationalité allemande. Connaissant les œuvres de Sigmund Freud, il dira d'Hitler : « Comme cet homme doit haïr la psychanalyse ! ». Plus généralement, il est passionné par la médecine, et ses ouvrages regorgent de descriptions symptomatiques précises (il dira du dernier des Buddenbrook « qu'il a les dents striées par la chlorose », par exemple, et La Montagne Magique comporte des passages sur les maladies dont ses personnages sont atteints).
À partir de 1938, il vit aux États-Unis, d'abord à Princeton, puis l'année suivante à Pacific Palisades en Californie. C'est là qu'il compose le complexe et fort sombre Doktor Faustus (Le Docteur Faustus), paru en 1947, qui revisite le mythe de Faust et évoque métaphoriquement l'âme de l'Allemagne à travers le portrait d'un compositeur, inspiré d'Arnold Schoenberg. Durant ces années d'exil, il retrouve certains autres exilés allemands, tels que le dramaturge et poète Bertolt Brecht (évoquant Thomas Mann à plusieurs reprises dans son journal et sa correspondance), le réalisateur Fritz Lang, ou encore le compositeur Kurt Weill.
Le retour en Europe
Tombe de Thomas Mann.
Après la guerre, il retournera régulièrement dans son pays natal, notamment en 1949 pour recevoir le Goethe-Preis à l'occasion du 200{{e}} anniversaire de la naissance du célèbre écrivain. À cette occasion, il visite les villes de Francfort-sur-le-Main et de Weimar.
En 1952, il retourne s'installer en Suisse et non en Allemagne, bien qu'on cite alors son nom comme possible Président de la République fédérale d'Allemagne.
En 1954, il est fait citoyen d'honneur de sa ville natale mais décède un an plus tard à Zurich. Il est enterré à Kilchberg.
Ce n'est que dans ses Notes quotidiennes du soir à n'ouvrir que vingt ans après ma mort, publiées - malgré son titre - dès 1955, qu'il parle ouvertement de ses attirances homosexuelles bien qu'elles fussent évoquées, de manière indirecte, dans Tonio Kröger et La Mort à Venise.
Famille
Il est le frère du grand auteur allemand Heinrich Mann et le père des écrivains Klaus et Erika Mann, de l'historien Golo Mann, ainsi que du musicien Michael Thomas Mann.
Prénom | Naissance | Décès |
---|---|---|
Erika | 9 novembre 1905 | 27 août 1969 |
Klaus | 18 novembre 1906 | 21 mai 1949 |
Golo | 29 mars 1909 | 7 avril 1994 |
Monika | 7 juin 1910 | 17 mars 1992 |
Elisabeth | 24 avril 1918 | 8 février 2002 |
Michael | 21 avril 1919 | {{1er}} janvier 1977 |
Thomas Mann, l'Allemagne et les Juifs
Fils de son temps, Mann est d'emblée marqué par les préjugés régnants de son époque. Il adhère en effet à l'antisémitisme et la xénophobie auxquelles il reste longtemps fidèle. Cependant, on assiste à une évolution progressive de l'image des Juifs dans son œuvre. Parallèlement, une réflexion de plus en plus approfondie et significative se dessine dans son évolution personnelle, intellectuelle et politique, notamment face à la virulence du problème juif dans l'Allemagne de Weimar et sous le III{{e}} Reich. Continûment chez lui, s'esquisse un parallèle entre le destin d'Israël et celui de l'Allemagne. Le leitmotiv se porte au cœur de l'œuvre à travers les balbutiements d'une germanité mise au sommet de ses plus nobles traditions. Le débat sur le sujet est sensible au point qu'il a longtemps été tabou outre-Rhin. La première rupture de ce silence est marquée par la publication de Thomas Mann und das Deutschtum (Thomas-Mann-Studien, 2004) et du livre de Jacques Darmaun, Thomas Mann et les Juifs.