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Labiche, Eugène (1815-1888)

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Biographie

Enfance et adolescence

Eugène Marin Labiche est issu d'une famille bourgeoise aisée. Son père Jacques-Philippe Labiche (1786-1864) et sa mère Marie-Louise Falempin (1787-1833) tiennent une épicerie en gros prospère rue de la Verrerie à Paris. Jacques-Philippe pressent le blocus économique lors du retour de Napoléon l'île d'Elbe et achète des stocks de sucre en perspective de la pénurie, intuition qui est le début de sa fortune. Il poursuit son développement dans le commerce des sucreries en exploitant une petite usine de fabrication de glucose à Rueil-Malmaison, dans la banlieue ouest de Paris.

Eugène fait des études de jeune homme de bonne famille : il suit les cours au collège Bourbon, et il obtient facilement son baccalauréat de lettres à 18 ans, en 1833. Il n’entame pas immédiatement des études supérieures. D’une part, le décès de sa mère cette année-là lui a procuré des revenus convenables et une maison à Paris, et, d’autre part, il est attiré par l’écriture littéraire. L’année suivante, en 1834, son père l’autorise à faire un voyage en Italie avec quelques camarades (l'un d’entre eux, Alphonse Leveaux, sera l'ami de toute une vie et comptera aussi plus tard parmi ses collaborateurs en adoptant le pseudonyme d'Alphonse Jolly pour éviter l'association Labiche/Leveaux).

Carrière théâtrale

Au retour du voyage, qui a duré plus de six mois, il entame des études de droit, qu’il poursuit jusqu’à la licence, tout en faisant publier dans de petits magazines de courtes nouvelles. Il rencontre ainsi Auguste Lefranc et Marc-Michel, avec lesquels il fonde une association en vue de créer des pièces de théâtre. Ils prennent le pseudonyme collectif de Paul Dandré.

À leur grande surprise, leurs pièces sont acceptées immédiatement et sans le moindre problème. Labiche confiera plus tard : « Je suis vraiment honteux de la simplicité de mon début. [....] Je n’ai eu qu’à tirer le cordon pour entrer. » Il est possible que la parenté d'Auguste Lefranc avec Eugène Scribe (ils étaient cousins) ait beaucoup aidé les choses, sans même que Labiche s'en soit rendu compte.

Considérant sans doute la comédie comme un genre inférieur comparé au drame, ils favorisent plutôt ce genre dans leurs premières productions. Appartenant à la bande d'hernanistes, ils s'éloignent des pièces romantiques au succès mitigé pour se tourner exclusivement vers la comédie, ses sous-types (vaudeville, farce, pochade, revues) et leurs hybrides qui sont plus à la mode en raison de leur caractère gai et fantaisiste.

Débutant en 1837, la production de Labiche est tout d’abord modeste : deux ou trois pièces en moyenne par an, parfois aucune pour cause de voyages à l’étranger, en fait le rythme d’un jeune bourgeois dilettante aimant l’écriture théâtrale, mais n’en ayant pas véritablement besoin pour vivre. C'est durant cette période qu'il publiera son seul roman, La Clé des champs (1839). Mais, à partir de 1848, cette production s’accélère, puisqu’il fait jouer en moyenne près de dix pièces par an jusqu’en 1859, son plus grand succès sur la période étant Un chapeau de paille d'Italie en 1851.

Puis le rythme se ralentit progressivement, ce qui peut s’expliquer par les évènements : Labiche se marie le 25 avril 1842 avec une riche héritière de 18 ans, Adèle Hubert dont le père est un riche minotier ; il achète en 1853 le château de Launoy à Souvigny-en-Sologne, avec 900 hectares de terre qu’il exploite lui-même, n'a qu'un seul enfant né le 12 mars 1856, et enfin est nommé maire de Souvigny en 1868. À cette occasion, il déclare modestement qu’il a été nommé (les maires n'étaient pas élus) parce qu'il était le seul de la commune à posséder et à utiliser un mouchoir. Il s'était déjà aventuré en politique en avril 1848 comme candidat républicain à l'assemblée constituante. Battu, il s'était par la suite rallié à Louis-Napoléon Bonaparte et avait été l'un des premiers, dans le monde du spectacle, à approuver son coup d'Etat en 1851. Ce soutien au prince-président, puis Empereur lui permit alors de bénéficier de nombreux appuis pour promouvoir son œuvre théâtrale. En 1858, il présente ainsi devant Napoléon III et son épouse au palais de Compiègne sa pièce Un Gendre en surveillance.

Dans les années 1860, il connaît son apogée avec une série de succès parmi lesquels Le Voyage de M. Perrichon (1860), La Poudre aux yeux (1861), La Station Champbaudet (1862) et La Cagnotte (1864) . Il est sollicité par Jacques Offenbach, alors directeur des Bouffes-Parisiens, pour écrire le livret d'une opérette, L'Omelette à la Follembuche, mise en musique par un compositeur débutant : Léo Delibes. Il écrit aussi les livrets de plusieurs opéras-comiques : Le Voyage en Chine en 1865, Le Fils du brigadier en 1867 et Le Corricolo en 1868, tous trois créés à l'Opéra-Comique en collaboration avec Alfred Delacour.

En 1864, sa comédie Le Point de mire est présentée en première à la Cour à Compiègne avant d'être jouée à Paris au théâtre du Gymnase. Sa comédie-vaudeville La Grammaire (1867) est également jouée à Compiègne par le Prince impérial et ses amis devant leurs parents.

Buste à Souvigny-en-Sologne La guerre de 1870 et les événements de la Commune mettent un frein, comme pour la plupart des auteurs dramatiques, à la production de Labiche, sans en altérer pour autant la qualité comme en témoigne Doit-on le dire ? en 1872. En 1874, un nouveau projet d'opéra-bouffe avec Offenbach, qui dirige désormais le théâtre de la Gaîté, est abandonné à la suite de la faillite de ce dernier. Labiche recycle son livret en une comédie-vaudeville qui connaîtra un certain succès, Les Trente Millions de Gladiator, suivi d'un autre en 1876 avec Le Prix Martin. Arrive enfin 1877, date de sa dernière pièce, La Clé. Labiche avait dit auparavant : « J’ai toujours pensé qu’il y avait quelque chose de plus difficile à faire jouer que la première pièce... C’est la dernière. Songez au vieil auteur démonétisé... »

Dernières années

Après le relatif échec de La Clé, Labiche prend la décision de ne plus écrire, et il s’y tient. Il a alors 62 ans.

Il lui reste à vivre encore une dizaine d’années, ponctuées par de nombreuses reprises de ses pièces, certaines triomphales, des joies et des deuils : élection à l’Académie française le 28 février 1880, succédant au fauteuil 15 à Ustazade Silvestre de Sacy, malgré l'indignation de Ferdinand Brunetière qui déplore « l'invasion des genres inférieurs », et le refus de Victor Hugo de voter pour lui ; mariage de son fils en 1882 et naissance de ses petits-fils en 1883 et 1884 ; décès de sa belle-fille en 1885.

En 1886, Labiche encourage le jeune Georges Feydeau lors de la représentation de sa première grande pièce Tailleur pour dames, qui triomphe au théâtre de la Renaissance.

Souffrant depuis plusieurs années de sérieux problèmes cardiaques, il meurt le 22 janvier 1888 à son domicile parisien, 67 rue Caumartin, à l'âge de 72 ans. Ses obsèques ont lieu au cimetière de Montmartre. Ludovic Halévy prononce l'éloge funèbre au nom de la Société des auteurs et maître Edmond Rousse au nom de l’Académie française. Henri Meilhac lui succède au fauteuil 15.

Son épouse, Adèle, meurt en 1909. Tombe de Eugène Labiche (cimetière de Montmartre, division 17)