Èrenburg, Ilưâ Grigorưevič (1891-1967)
Biographie
Dès sa jeunesse, Ehrenbourg cherche à se forger une identité entre ses origines juives, ses racines russes et son européanisme, cultivé au cours de sa résidence à Paris en 1908-1917 et 1921-1940. Il participe aux mouvements révolutionnaires de 1905. En 1916, il fait paraître les traductions des poèmes de François Villon qui sont devenues extrêmement populaires chez les russophones.
Il participe à la Guerre civile espagnole. Lors du second conflit mondial, il fut correspondant de guerre. Il était alors membre du Comité antifasciste juif. Il travailla également à la propagande soviétique et participa, avec d'autres auteurs comme Constantin Simonov, à une violente campagne anti-allemande. Son article « Tue », publié le 24 juillet 1942 quand les troupes allemandes avaient profondément pénétré en territoire russe, est un des exemples les plus cités et critiqués de cette campagne{{,}}. Affirmant que « les Allemands ne sont pas des êtres humains », l'article appelait à les tuer sans pitié : {{Citation bloc}}
Dans ce texte, la figure de l’Allemand englobe celle de l’ennemi rencontré et défini précédemment, en particulier en Espagne, « le fasciste […] l’ennemi idéal par son statut extérieur et son antisémitisme radical ». Dans ces écrits la modalité injonctive domine, les impératifs sont répétés, les phrases courtes incitent à l’action, à la lutte contre l’ennemi ramené à la « catégorie globalisante de l’Allemand ». L'extrémisme de ses positions lui vaudront des critiques dans la Pravda en avril 1945 de la part de Gueorgui Alexandrov, vice-président du Comité central du Parti communiste. Après la Seconde Guerre mondiale, cet article souleva une polémique en Allemagne de l'Ouest.
Ehrenbourg part ensuite en tant que journaliste sur les pas de l'Armée rouge, dans les territoires tout juste libérés de l'occupation allemande. Là, en compagnie de Vassili Grossman, il recueille les témoignages des massacres commis par les Allemands. Leur reportage fut utilisé au procès de Nuremberg en 1945-46. La documentation recueillie était conçue au départ comme témoignage pour l’histoire, mais aussi comme preuve sur les crimes allemands. Les documents devaient donc prendre part aux accusations que les Alliés mettaient en place contre le nazisme. Le Comité antifasciste juif décida que les témoignages et documents recueillis durant la guerre devaient être rassemblés en un volume : Le Livre noir. Il s’agissait alors aussi de garder témoignage de l’extermination et de son ampleur, de lutter contre un antisémitisme renaissant. Son élaboration fut stoppée en 1948 avec la dissolution du Comité antifasciste juif par le régime stalinien et son évolution vers un antisémitisme stigmatisant le « cosmopolitisme » supposé des Juifs russes. La découverte des épreuves corrigées par Vassili Grossman a permis la publication intégrale de l’ouvrage dans les années 1990{{,}}.
Pendant la Guerre froide, il contribue à la propagande communiste. Pendant toute la période stalinienne, il réussit à se maintenir dans une relative indépendance, tout en échappant aux purges staliniennes.
Mort d'un cancer de la vessie en 1967, Ehrenbourg est enterré au cimetière de Novodevitchi. Son épouse est décédée en 1970.
Le 19 décembre 1987, le quotidien israélien Maariv annonça qu'Ehrenbourg avait légué ses archives au Mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, à condition que ce legs soit tenu secret pendant vingt ans après sa mort.