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Truffaut, François (1932-1984)

Contents


Biographie

L'enfance des quatre cents coups

Enfant non désiré (1932-1944)

François Truffaut naît le 6 février 1932 de père inconnu. Sa mère, Jeanine de Monferrand, secrétaire au journal L'Illustration, confie son bébé à une nourrice, au terme d'une grossesse cachée.

Sa mère épouse le 9 novembre 1933 Roland Truffaut, dessinateur dans un cabinet d'architecte-décorateur, qui reconnaît l'enfant à l'état civil. Celui-ci est confié le plus souvent à sa grand-mère, Geneviève de Monferrand, qui habite rue Henry-Monnier dans le {{9e}} arrondissement de Paris.

François Truffaut va à l'école maternelle de la rue Clauzel puis au lycée Rollin, théâtre de ses premiers « 400 coups ».

Dès 1939, le jeune François Truffaut, passionné de lecture, fréquente aussi les cinémas, le soir et souvent pendant les heures de classe. Il collectionne près de trois cents dossiers constitués d'articles de journaux découpés et de photographies volées dans les cinémas sur les cinéastes, Renoir, Gance, Cocteau, Vigo, Clair, Allégret, Clouzot, Autant Lara… En 1943, il trouve un complice de ces escapades en son voisin de classe de l'école de la rue Milton, Robert Lachenay.

À douze ans, en 1944, il retrouve définitivement le deux pièces de ses parents, rue de Navarin. Il n'a pas de chambre et dort dans le couloir. Ses parents passent habituellement leurs week-ends à Fontainebleau, sans lui. La découverte du journal de son père lui apprend la vérité sur sa naissance.

L'adolescence mal aimée de l'après guerre (1945-1948)

Roland Lévy, au centre, en août 1930. François Truffaut ne trouvera son père biologique qu'en 1968 à la suite d'une enquête de détective.À partir de 1946, ayant quitté l'école, il vit de petits boulots, coursier, magasinier, soudeur à l'acétylène dans une usine, puis grainetier. Il découvre le cinéma américain avec son ami Robert Lachenay , fréquente assidûment les cinéclubs et finit par rencontrer le critique de cinéma André Bazin qui anime un Centre d'initiation cinématographique dans le cadre d'un programme gouvernemental, Travail et Culture.

Encouragé par celui-ci, il ouvre un ciné-club, Cinémane, en 1948 avec Lachenay , dans une salle du boulevard Saint-Germain. Le programme mirifique de la seconde séance n'est pas honoré et les billets doivent être remboursés. L'affaire finit au poste. Le beau-père de François Truffaut fait l'objet d'une enquête de police qui amène le commissaire à décider de placer l'adolescent dans le Centre d'observation des délinquants mineurs de Villejuif.

Le cinéaste transposera les épisodes de cette enfance, où la littérature aura été une évasion salutaire, dans Les Quatre Cents Coups à travers le personnage autobiographique d'Antoine Doinel. Quand celui-ci « sèche » son cours de gymnastique pour lire La Recherche de l'absolu, c'est le jeune Truffaut grand lecteur de Balzac qui ressurgit. De même dans Baisers volés, le héros nourrit un amour de roman pour le personnage de Fabienne Tabard, jusqu'à ce que celle-ci le rappelle à une réalité moins bourgeoise et plus subversive : « Moi aussi, dit-elle, j’ai lu Le Lys dans la vallée, mais je ne suis pas Madame de Mortsauf et vous n’êtes pas Félix de Vandenesse. »

Entre écriture et cinéma

Critique à l'ombre de Bazin (1949-1955)

À sa sortie des cinq mois de maison de redressement, en 1949, André Bazin le fait travailler à la section cinématographique de Travail et Culture et lui ouvre les portes de quelques magazines. Truffaut rédige ses premiers articles dès 1950 mais à la suite d'une déception amoureuse, déception infligée par celle qui deviendra le personnage de Colette, Antoine s'engage dans l'armée en 1951 pour se faire tuer en Indochine. Envoyé en Allemagne, il prolonge une permission à Paris au-delà du terme de celle-ci, et fait de la prison militaire pour désertion. Grâce à André Bazin il se fait réformer pour instabilité caractérielle, Bazin l'héberge chez lui, à Bry-sur-Marne, et lui trouve, en 1952, un poste au service cinématographique du ministère de l'Agriculture. Son contrat de quelques mois n'est pas renouvelé.

François Truffaut publie des articles dans les Cahiers du cinéma puis entre à la revue Arts en 1953. Au sein de ces revues, il forme avec Claude Chabrol, Jacques Rivette, Jacques Demy, Éric Rohmer, Jean-Luc Godard la jeune garde autour d'André Bazin. En 1954, il publie dans les Cahiers « Une certaine tendance du cinéma français », un texte pamphlétaire contre les cinéastes de « qualité française ». L'article vise notamment les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost, et le réalisateur Claude Autant-Lara{{,}}. Il défend le cinéma d'auteur contre le cinéma de consommation avec une grande intransigeance, dogmatisme de jeunesse qu'il confiera regretter dans des propos recueillis en 1984 par Bert Cardullo.

Il réalise un bout d'essai, Une visite, son premier film, et a l'idée d'un scénario qui deviendre À bout de souffle. L'année suivante, en 1955, il réalise ses premières interviews d'Alfred Hitchcock, et publie, à côté d'un hommage dévot à Jean Cocteau, une nouvelle, Antoine et l'orpheline, dans la revue La Parisienne.

Roché et l'assistant de Rossellini (1956)

En 1956, il est embauché comme assistant du réalisateur Roberto Rossellini, « l'homme le plus intelligent que j'aie connu », pour trois films qui n'aboutissent pas.

C'est alors qu'Henri-Pierre Roché, qui le connaît par les Hussards de la revue La Parisienne, l'invite dans sa maison de Meudon. Le collectionneur a remarqué un des articles du critique où celui-ci parle, en termes pertinents et élogieux, de son livre Jules et Jim, alors roman sans succès. Le jeune homme de vingt quatre ans est fasciné par l'écriture cinématographique de l'élève de Peter Altenberg. De son côté, l'ex Dada, ami des surréalistes, est à la recherche d'un héritier spirituel par lequel il puisse transmettre une « morale neuve » affranchie des contraintes morales et sociales. Une amitié, interrompue par la mort de l'écrivain trois ans plus tard mais exceptionnelle, naît entre eux autour de l'expérience de l'enfance, des femmes, de l'écriture. Le romancier a commencé de tirer un scénario de son Jules et Jim et projette d'en faire autant de ses Deux Anglaises et le continent. Il cherche son cinéaste et incite le jeune homme à réaliser des films d'après ses deux romans. Truffaut s'y emploiera après la mort de l'écrivain, à partir des archives manuscrites prêtées par la veuve{{,}}.

Cette rencontre conforte l'apprenti cinéaste dans la position qu'il défend avec violence contre le cinéma français de l'époque, dans les Cahiers du cinéma, celle qui prône le cinéma d'auteur et, dans la lignée des idées d'André Bazin, la narration subjective qui jette un regard objectif, en usant de la profondeur de champ et du plan séquence, tout en respectant la continuité du cours de la vie. Truffaut trouve dans l'écriture impressionniste de Roché l'idéal littéraire dont il fera son propre procédé cinématographique, celui de l'ellipse jusqu'au vif essentiel tel qu'il saura l'exprimer en 1973 dans son art poétique qu'est La Nuit américaine : {{Citation bloc}} Jules et Jim, roman de la révolution sexuelle, restera son livre de chevet, relu au moins deux fois par an.

Producteur de cinéma (1957-1958)

François Truffaut se marie le 29 octobre 1957 avec Madeleine, fille d'Ignace Morgenstern, propriétaire de la société de distribution cinématographique Cocinor. Il en aura deux filles, Laura, née le 22 janvier 1959, et Éva, née le 28 juin 1961. Avec les fonds de son beau père, il se lance dans la réalisation et fonde une société de production, Les Films du Carrosse, ainsi nommée en hommage à Jean Renoir et son film Le Carrosse d'or.

Comme par un renoncement à la carrière d'écrivain, qu'il ne cessera d'envier et de célébrer à travers ses films, il adapte le roman d'un autre collègue de la revue La Parisienne, le jeune Maurice Pons. Les Mistons, court-métrage narrant l'errance d'une bande d'adolescents qui regardent et tracassent un couple d'amoureux, sort en 1958.

Comme la plupart de ses camarades de la nouvelle vague, c'est sans expérience professionnelle que Truffaut se lance dans la réalisation. Son expérience d'assistant réalisateur de Rossellini ne l'a guère formé. L'assistant réalisateur est en effet le plus souvent cantonné à des taches subalternes et est constamment empêché de voir comment le film se fait. Sa conception du métier est moins celle d'un technicien du cinématographe que celle d'un auteur, à l'instar de Cocteau, s'exprimant par images et scènes dialoguées. Selon lui, il est possible d'apprendre plus en regardant des milliers de films et en rédigeant des critiques à leur propos qu'en étant assistant d'un réalisateur. À la différence d'un Jean-Luc Godard, il ne prétend pas faire une révolution dans le cinéma et conserve une conception classique de la manière de faire des films. Il prétend surtout faire des films personnels et sincères.

En 1958, il est interdit de festival de Cannes, sans doute à cause des critiques virulentes qu'il a publiées.

Mort prématurée du cinéaste

Les films de la maturité (1971-1976)

Truffaut retrouve l'œuvre d'Henri-Pierre Roché en 1971 et porte à l'écran le second roman de l'auteur, Les Deux Anglaises et le continent. Le succès public est moins grand (400000 entrées en France).

Dans Une belle fille comme moi, il raconte l'histoire d'un sociologue , incarné par (André Dussollier) , fasciné par son objet d'étude, la criminelle Camille Bliss (Bernadette Lafont). À l'encontre de toute morale, Camille Bliss fait accuser le sociologue du meurtre de son compagnon et échappe à la prison tandis que le sociologue termine enfermé en prison. Le film rassemble 680000 spectateurs.

Avec La Nuit américaine, François Truffaut réalise un film sur le cinéma à l'ancienne. Il y montre un film en train de se faire et incarne lui-même le rôle du réalisateur tandis que Jean-Pierre Léaud incarne l'acteur principal du film. Le film rassemble 820000 spectateurs. En 1973, à l'occasion de la sortie de La Nuit américaine, il se brouille définitivement avec Jean-Luc Godard par lettres interposées{{,}}{{,}}.

En 1975, il réalise L'Histoire d'Adèle H. avec Isabelle Adjani dans le rôle titre. Le film rassemble 750000 spectateurs.

Après Les Quatre Cents Coups et L'Enfant sauvage, il revient au thème de l'enfance avec L'Argent de poche (1976). Le film rencontre un grand succès public (1,8 million d'entrées).

Fasciné par le journal intime d'Henri-Pierre Roché, François Truffaut demande à Michel Fermaud de lui confier des anecdotes pour le scénario de L'Homme qui aimait les femmes. Le film sorti en 1977 rassemble 950000 spectateurs en salles.

Il réalise ensuite un film sur la mort, La Chambre verte, adapté du roman L'Autel des morts de l'écrivain américain Henry James. Il y incarne un personnage étrange et hanté par la mort, qui préfère la compagnie de ses amis morts à celle des vivants. Le film déroute le public (150000 entrées).

Le cinéaste populaire (1977-1982)

En 1977, il accepte de jouer dans Rencontres du troisième type de Steven Spielberg, dans le rôle du scientifique français Lacombe. Spielberg est en effet un grand passionné de la filmographie de Truffaut et voulait absolument que ce dernier vienne jouer dans son film. Comme Truffaut n'est pas parfaitement bilingue, Spielberg accepte qu'il parle en français et que ses propos soient traduits par un collègue dans la version originale. Son modèle pour le savant français est Jacques Vallée.

Le Dernier métro (1980) est un immense succès public (3,3 millions d'entrées).

Après le Dernier Métro, Truffaut revient à une histoire intime, simple, une relation de couple d’apparence banale, avec un parti pris de recul et de neutralité dans La Femme d'à côté. Au début, Bernard est un homme monolithique, sûr de lui, responsable, avec une vie de famille et un métier. L’apparition de Mathilde va ressusciter une passion ancienne et sa puissance possessive va inexorablement fragiliser Bernard, jusqu’à lui faire perdre tous ses repères, familiaux, sociaux, professionnels. Le film rassemble 1 million de spectateurs.

L'actrice principale, Fanny Ardant, avec qui il aura une fille, Joséphine (née le {{date}}), sera son dernier amour.

Au début des années 1980, il a le projet d'adapter avec son scénariste Jean Gruault le roman de Paul Léautaud Petit ami sur une tentation incestueuse entre un fils et sa mère. Ce projet est finalement abandonné. Il travaille ensuite avec Jean Gruault à l'écriture d'une saga suivant des personnages dans la France du début du {{s-}}, Belle Époque, que Gavin Millar réalisera en 1995 pour la télévision sous la forme d'une mini-série.

Après l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République en 1981, soutenu sans ferveur par le réalisateur, Jack Lang l'invite à rencontrer le président des États-Unis, Ronald Reagan, à Yorktown. Truffaut refuse à la dernière minute en raison d'un problème de planning et provoque l'ire du ministre de la culture{{,}}{{,}}.

La maladie (1983-1984)

Son dernier film, Vivement dimanche ! (1983), avec la même Fanny Ardant, est un nouveau succès public (1,15 million d'entrées).

La tombe de François Truffaut au cimetière de Montmartre. En juillet 1983, il loue la maison que possède en bordure de la ville de Honfleur, en Normandie, Michel Berger, lui-même en pleine composition de la bande originale du film Rive droite, rive gauche de Philippe Labro (1984). Il doit y passer tout l'été avec Fanny Ardant, enceinte, et travailler sur ses scénarios, notamment La Petite Voleuse et Belle Époque, mais il est pris d'une attaque violente qui le conduit aux urgences : il vient d'avoir la première manifestation de sa tumeur cérébrale.

En mars 1984, il apparaît sous le masque de la maladie dans l'émission Apostrophes que Bernard Pivot lui consacre à l'occasion de la réédition, sous le titre Hitchcock/Truffaut, du livre qu'il avait publié sur son maître 18 ans plus tôt, en 1966.

L'intervention chirurgicale ayant été trop tardive, la mort survient le {{date}} à l'hôpital américain de Paris de Neuilly-sur-Seine. Il est incinéré au cimetière du Père-Lachaise et ses cendres sont déposées au cimetière de Montmartre à Paris.