Neill, Alexander Sutherland (1883-1973)
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Biographie
Jeunesse
Alexander Sutherland Neill naquit le 17 octobre 1883 à Forfar en Écosse dans une famille de treize enfants dont plusieurs moururent en bas-âge. Son père, issu d'une famille de mineurs, était maître d'école; sa mère était également institutrice.
La famille était peu aisée, et peinait à payer les études universitaires de Willy, le fils ainé. Quand Alexander eut 14 ans, devant son peu d'intérêt pour les études, son père lui chercha un travail, puis le prit comme assistant, mais il échoua au bout de son apprentissage à l'examen d'entrée à l'école normale. Il continua cependant à enseigner dans divers établissements, et entama finalement une formation universitaire. Diplômé d'Édimbourg, il était devenu journaliste, quand éclata la première Guerre mondiale.
Pendant la guerre, il trouve un poste d'instituteur et remet en question l'autorité et les punitions. Il en fait le récit dans Journal d'un instituteur de campagne.
Après-guerre, il fait la connaissance de Homer Lane et commence une analyse avec lui. Lane est le fondateur du Little Commonwealth, un établissement fonctionnant selon le principe du self government, et AS Neill lui reconnait une grande influence sur lui.
Le pionnier des années 1920
A.S. Neill participa dans les années 1920 à la Ligue internationale pour l'éducation nouvelle, rassemblement des militants de l'éducation nouvelle de cette époque. Il participa au congrès inaugural de Calais, croisant là Decroly, Ferrière et tous les grands pionniers, s’y faisant remarquer comme un auteur d’ouvrage de combat. Il y rencontra également Maria Montessori, déjà éminente théoricienne de l’éducation dont il fut un adversaire farouche; il lui reprochait scientisme et moralisme.
Il dirigea avec Beatrice Ensor la revue The new Era, publication de la Ligue en versions anglaise. Lecteur des ouvrages de Freud, il était habile à en utiliser les concepts pour railler ses collègues. Neill sema la controverse et provoqua « beaucoup d’indignation », jusqu'à être exclu de la revue.
Fondation de Summerhill
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Neill fonde l'école Summerhill en 1921 près de Dresde en Allemagne. À la suite de plusieurs contestations et difficultés politiques reliées aux principes sur lesquels était fondée l'école, Neill déménage celle-ci dans le comté de Suffolk en Angleterre en 1927, près de la ville de Leiston. Au travers d’une vingtaine d’ouvrages et d’innombrables articles, il en a conté la vie quotidienne, ne manquant jamais l’occasion de susciter la polémique, brossant sans cesse le tableau d’un lieu où l’adulte n’a pas à imposer sa loi.
Les journalistes baptisent Summerhill l’école « à-la-faites-ce-qu’il-vous-plaira ». L’école, avec ses bâtiments de bois, son grand parc et ses arbres, apparaît, surtout l’été, comme un lieu des plus agréables, véritable école à la campagne comme Ferrière pouvait en rêver au début du vingtième siècle. Mais, dans cette école, les cours sont facultatifs, les enfants, s’ils le souhaitent, peuvent jouer toute la journée ou se livrer à des activités manuelles dans l’atelier. Les soirées sont consacrées à la danse, au théâtre, aux fêtes.
Le samedi soir est réservé à l’assemblée générale. Durant cette réunion présidée par un élève élu, les enfants exposent leurs problèmes, en débattent, élaborent leurs lois — et, dans cette assemblée, ni la voix de Neill ni celle des autres adultes n’a plus de poids que celle d’un enfant.
Maturité
En 1937, Neill fit la connaissance de Wilhelm Reich, avec qui il devint ami, et dont les idées proches des siennes l'influenceront, notamment sur la prise en compte de l'intérêt sexuel chez l'enfant. S’il ne craignait la fermeture de l’école par les autorités, Neill ne poserait aucun interdit pour la sexualité.
Sa seconde épouse, Ena Woof (1910-1997), est de 27 ans sa cadette. En 1947 naquit leur fille Zoe.
Principes
La tentation de la liberté
Neill ne fut ni un scientifique ni un chercheur — peut-être un philosophe, mais surtout un visionnaire et un pragmatique. Il ne fut pas l’homme d’une école pédagogique ou psychologique particulière, ne développa jamais une approche méthodique. À l’inverse de ses contemporains, Neill ne pose jamais d’abord les problèmes de l’éducation en termes de besoins, mais en termes de droit. « Chacun est libre de faire ce qu’il veut aussi longtemps qu’il n’empiète pas sur la liberté des autres » : telle est la philosophie de la liberté qui prévaut à Summerhill. « Mes gosses, notait-il à cette époque, ont fait ce qui leur a plu et je ne doute pas qu’ils ont exprimé le meilleur d’eux-mêmes. »
L’individualiste farouche
De son enfance, Neill ne sort pas sans difficulté, une enfance marquée par l'éducation calviniste, la peur du péché et de l'enfer. « C’était une atmosphère de négation de la vie. » Dans cette famille nombreuse, entre un père qui ne l’estimait guère et une mère distante, le jeune Alexander ne semble pas avoir reçu l’amour qu’il réclamait — cet amour qu’il a si bien su donner à ses élèves. Une telle enfance forge un individualiste farouche, « le genre de gars à peindre son vélo en bleu quand tous les autres les avaient noirs ». Effectivement, il aura été, dans son école, un solitaire, un marginal, trouvant là sa permanence, sa force et sa fragilité.
« L’individualisme sauvera le monde, […] ton pays a besoin de toi » dit-il à chacun de ses élèves dès 1915, car la liberté proposée aux élèves ne vise à rien de moins qu’à en faire des hommes aux services des autres. Neill a émergé de son enfance en vouant une haine farouche à tout enseignement religieux et à toute imposition de valeurs quelles qu’en soient les formes. Les principes de l’école traditionnelle, avec les châtiments corporels, comme ceux de l’école nouvelle, avec la méthode Coué (père de la pensée positive avec sa théorie selon laquelle « Il ne s’agit pas de vouloir guérir, mais de s’imaginer guéri », et son leitmotiv « Tous les jours et à tous les points de vue, je vais de mieux en mieux »), lui répugnent également. Neill voudra pour sa part n’en appeler jamais qu’à l’intelligence de l’enfant et à sa libre décision. « Je n’essaye jamais de faire partager mes croyances ou mes préjugés aux enfants », « Je ne vois pas de quel droit les éducateurs forcent les enfants à adopter ce qu’ils considèrent comme le bon goût ».
Principes pédagogiques
Neill croit en la bonté fondamentale de l'être humain, et préconise de tenir les enfants éloignés de la brutalité de la société des adultes. Il ne faut ainsi rien imposer à l'enfant, dont il n'ait compris le sens comme engageant sa responsabilité et celle des autres. D'où l'importance des assemblées générales où des règles étaient édictées et des sanctions décidées collectivement lorsqu'une règle était enfreinte. Le vol, le mensonge, l'absence de motivation doivent être compris comme des symptômes et Neill ne s'interdisait pas de détruire des objets matériels avec l'un de ses élèves difficiles, pour lui faire comprendre qu'il était de son côté, et avant toute tentative, pour mettre un terme à des comportements asociaux.
À Summerhill, les enfants ne sont pas tenus d'assister aux cours. Loin d'être un grand lecteur de Rousseau, dont les théories semblent pourtant l'inspirer, Neill précise dans son autobiographie, Summerhill School (éd. St Martin's Griffin), qu'il n'a lu Rousseau qu'à l'âge de 50 ans, bien après avoir fondé son école, et cela seulement parce que bon nombre de ses amis lui avaient fait remarquer la ressemblance des pédagogies.
Neill accorde une très grande attention aux enfants et s'attache à ne jamais les laisser sans réponses face à leurs interrogations ou problèmes, dès qu'ils en font la demande explicite. Il leur accorde à volonté des séances individuelles au cours desquelles il réinvente constamment ses méthodes de psychothérapie active.
Les enfants sont fréquemment déstabilisés par les différences radicales entre la vie à Summerhill et celle du reste du monde, mais Neill rapporte que dans la grande majorité des cas, deux à trois mois de comportements asociaux libres à Summerhill suffisent pour que les enfants se dirigent d'eux-mêmes vers les salles de classe et les ateliers. L'obtention de ce résultat repose sur le principe "d'épuisement de l'intérêt" développé et mis en œuvre par Neill. Toute activité découlerait de l'intérêt. Or, les centres d'intérêts réprimés par la société des adultes, qu'il s'agisse des jeux ou de la masturbation, par exemple, demeurent actifs dans l'inconscient, devenant facteurs de haine de l'autre et de soi, ce qui conduit à développer des comportements extrêmes, symptômes de névrose ou de déviance. Avec la méthode "permissive" de Summerhill au contraire, une fois l'intérêt épuisé, les enfants peuvent grandir "sainement".