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Guitton, Jean (1901-1999)

Contents


Biographie

Formation

Jean Guitton naît au sein d'une famille catholique de la bourgeoisie stéphanoise : catholique traditionnel du côté paternel, et catholique humaniste du côté maternel, son grand-père maternel faisant preuve d'agnosticisme. Cette diversité dans les expressions de la foi marque l'originalité de sa pensée. Son frère, Henri Guitton (1904-1992), devint un économiste très réputé. Il est le cousin du poète Jean Desthieux.

Élève au Lycée de Saint-Étienne, il y fait de brillantes études qui le mènent à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (promotion 1920). En 1921, il rencontre Jacques Chevalier qui fut pour lui son premier maître, il lui fit découvrir le Père Pouget, Lord Halifax. Jacques Chevalier le convainc au bout d'un an de quitter la section des lettres pour la philosophie. Il y obtient alors l'agrégation de philosophie en 1923 et devient docteur ès lettres en 1933. Il obtient l'une de ses premières affectations au lycée Théodore-de-Banville à Moulins (Allier) ; Jean Guitton avait de solides racines bourbonnaises (à Saint-Pourçain-sur-Sioule). Sa thèse porte sur Le Temps et l'éternité chez Plotin et saint Augustin. Il enseigne au lycée pendant plusieurs années avant d'être nommé à l'université de Montpellier en 1937.

Jean Guitton et le maréchal Pétain

Durant la Seconde Guerre mondiale, il est prisonnier de guerre à l'Oflag IV-D (Elsterhorst). La captivité est pour lui l'occasion d'écrire et de publier un essai métaphysique et politique sur l'identité française : Fondements de la communauté française. Dans cet ouvrage, préfacé par le maréchal Pétain à qui est dédié le texte, Jean Guitton propose de redonner à la « France nouvelle » qu'il pense voir naître depuis la Défaite, une « mystique » (II, 3) qui réussirait la synthèse du meilleur de l'Ancien Régime et de la Révolution française. Son Journal de captivité 1942-1943 se fait aussi l'écho de ses préoccupations politiques : il y raconte, entre autres choses, son engagement dans le « Cercle Pétain » du camp, où il donne des conférences et organise des rencontres entre officiers français et allemands. Plusieurs pages du Journal sont publiées, dès le 7 mars 1943, dans l'hebdomadaire pétainiste Demain, dont la mission était de rassembler les catholiques de tous bords autour du maréchal Pétain. La publication du Journal lui vaut une condamnation devant un tribunal pour « intelligence avec l'ennemi et aide à la propagande allemande ». Le jugement a été cassé par le Conseil d'État en 1948 ou 1949 .

Philosophie

Pendant sa période de détention, Jean Guitton organise des cours sur la pensée de Bergson, dont nul n'ignorait qu'il était juif. {{citation}} Après que l'ambassadeur allemand à Paris, Abetz, lui eut donné une autorisation exceptionnelle de libération à cause de sa limite d'âge{{refconf}}, ce même Abetz expliqua ensuite que sa libération était impossible car il avait fait en captivité des cours sur le juif Bergson. Guitton, toutefois, demeura positif : {{citation}}

Ami intime de {{Mgr}} Montini, futur pape (Paul VI), il est protégé des rigueurs de l'Index. Il est appelé par Jean XXIII à participer comme simple laïc au concile Vatican II. Parallèlement, il continue de publier des œuvres philosophiques et apologétiques, qui en ont fait l'un des plus grands penseurs catholiques du {{s-}}. Jean Guitton a aussi été désigné par Bergson au côté de Vladimir Jankélévitch comme héritier de sa pensée.

Il contribue d'autre part à faire connaître la mystique française Marthe Robin (voir son livre Portrait de Marthe Robin) qu'il allait voir régulièrement et à qui il demande conseil avant de se présenter à l'Académie française.

Soutenu par Gabriel Marcel, il est nommé en 1955 à la chaire de philosophie à la Sorbonne, en dépit de l'opposition de Vladimir Jankélévitch et de Jean Wahl qui y voient le retour du pétainisme. Il est élu le {{date}} à l'Académie française, au fauteuil de Léon Bérard (1876-1960). Le philosophe marxiste Louis Althusser, qui fut son élève et qui l'admirait, vient le voir secrètement de nuit à plusieurs reprises en mai 1968 pour dialoguer avec lui. En 1987, c'est au tour de l'Académie des sciences morales et politiques de lui ouvrir ses portes, au fauteuil de Ferdinand Alquié.

Il continue d'écrire jusqu'à la fin de sa vie. En 1984, il fait part de ses réflexions sur la mort et l'au-delà dans L'Absurde et le Mystère, à la suite de discussions avec le président de la République François Mitterrand, alors atteint d'un cancer. En 1991, il est victime d'une affaire de plagiat. L'astrophysicien Trinh Xuân Thuân accuse les frères Bogdanoff d'avoir plagié son livre La Mélodie secrète (1988) pour leur livre d'entretiens avec Guitton intitulé Dieu et la science.

Pratiquant la peinture depuis son enfance, il y est fortement conduit et encouragé par Édith Desternes, peintre aux résidences parisienne et charitaine, comme lui aux racines bourbonnaises très fortes (à Moulins et au Veurdre), et qui l'invite à exposer régulièrement ses œuvres à la Galerie Katia Granoff de Paris. Guitton a notamment peint un Chemin de croix pour l'église Saint-Louis-des-Invalides : pour chaque station, pour chaque arrêt en ce chemin, il a réalisé une « toile » – une icône – sur laquelle il a écrit une courte phrase que la peinture éclaire et qui révèle ce qu’il a peint. Jean Cocteau l'a aussi incité à décorer la chapelle des Prémontés à Rome, puisque saint Gilbert, patron du Bourbonnais, avait fondé un monastère relevant de l'ordre des Prémontrés près de Saint-Pourçain-sur-Sioule.

Jean Guitton est mort en 1999, à 97 ans. Marié sur le tard à Marie-Louise Bonnet (1901-1974), il n'avait pas d'enfants.

Il est évoqué dans le {{155e}} des 480 souvenirs cités par Georges Perec dans Je me souviens.