Habermas, Jurgen (1929-....)
Biographie
Jeunesse et études
Habermas voit le jour à Düsseldorf, mais grandit à Gummersbach, une petite ville située tout près, où son père, Ernst Habermas, était secrétaire général du bureau urbain de la chambre de commerce et d’industrie de Cologne. Il décrit le climat politique dans son milieu familial comme étant « caractérisé par une adaptation bourgeoise à un environnement politique auquel on ne s’identifie pas totalement, mais que l’on ne critique pas sérieusement non plus. »
À l’automne 1944, alors que Habermas était membre des Jeunesses hitlériennes, on l'envoie à la Ligne Siegfried comme auxiliaire de front. Son appartenance aux Jeunesses hitlériennes constituera, en 2006, le point de départ d’une violente polémique : dans son autobiographie publiée à titre posthume, Joachim Fest qualifie Habermas de « dirigeant des JH lié au régime jusqu’à la moelle. » Cette diatribe, rendue publique par le magazine Cicero et récusée par Habermas comme une « dénonciation », finit par apparaître inconsistante après un témoignage de Hans-Ulrich Wehler.
Entre 1949 et 1954, Habermas fait des études aux universités de Göttingen (1949-50), de Zürich (1950-51) et de Bonn (1951-54). Il s’intéresse à la philosophie, l’histoire, la psychologie, la littérature allemande et l’économie. Nicolai Hartmann, Wilhelm Keller, Theodor Litt, Johannes Thyssen, Hermann Wein, Erich Rothacker et Oskar Becker comptent parmi ses professeurs.
C’est durant le semestre de l’hiver 1950-51 que Habermas rencontre pour la première fois Karl-Otto Apel, dont la « pensée engagée » et l’intérêt pour le pragmatisme américain seront d’une importance majeure dans son cheminement philosophique. {{refnec}}
En 1953, Habermas accomplit son premier coup d’éclat en rédigeant, dans le Journal universel de Francfort, une critique de l’Introduction à la métaphysique de Heidegger, parue la même année. Heidegger y soulignait la « vérité et la grandeur profonde » du mouvement national-socialiste. Dans son article, Habermas condamne vigoureusement cette révélation, y voyant là une « réhabilitation » du national-socialisme. Bien des années plus tard, Habermas prolongera cette critique des rapports entre Heidegger et le nazisme dans la préface au livre de Victor Farias du même nom. Selon lui: {{Citation}} Cette {{Citation}} provient, dit-il, de {{Citation}}, ce qui le conduit à conclure que {{Citation}}.
En 1954, Habermas soutient sa thèse de doctorat auprès d’Erich Rothacker et Oskar Becker : L’Absolu et l’Histoire : de l’écartèlement dans la pensée de Schelling. Après l’obtention du doctorat, il collabore comme journaliste indépendant au Journal universel de Francfort, au {{Lang}}, aux Cahiers de Francfort ainsi qu’au {{Lang}} de Düsseldorf. En 1955, il épouse {{Lang}}, avec laquelle il aura trois enfants.
Habermas et l'école de Francfort (1956-1966)
{{article détaillé}} En 1956, une bourse amène Habermas à l’Institut de Recherche Sociale de Francfort-sur-le-Main. Durant sa période d’assistance auprès de Max Horkheimer et de Theodor W. Adorno, Habermas se familiarise avec les écrits de ses deux directeurs et des autres représentants de la théorie critique d’avant-guerre. Il rencontre en 1956 Herbert Marcuse, qui aura sur lui une influence déterminante. Sur ses conseils, il se détache du marxisme traditionnel et s'intéresse à Freud et au jeune Marx des années 1840.
Ce faisant, il rompt progressivement avec l'Institut de Recherche Sociale. Ses prises de positions en faveur de la démocratie directe ({{Lang}}) sont vivement critiquées par Horkheimer. Désireux de désamorcer ce conflit théorique, Habermas décide de quitter Francfort et de passer sa thèse d'habilitation à Marbourg. Grâce à une bourse de recherche de la DFG, il rédige lEspace public en 1961 sous la direction de Wolfgang Abendroth. Publiée en 1962, cette thèse est devenue un classique de la recherche en science sociale. Parallèlement, Habermas est nommé professeur à l'Université d'Heidelberg sur les recommandations de Gadamer. Dans ce nouveau cadre universitaire, il découvre la philosophie pragmatique américaine de John Dewey, George Herbert Mead, Charles Sanders Peirce.
À partir de 1963 Habermas participe activement à la {{Lang}} (querelle positiviste), qui oppose Adorno et Karl Popper sur la question de la méthodologie des sciences sociales. Prenant parti pour Adorno, Habermas devient l'un des principaux protagonistes de ce débat intellectuel. Une longue controverse l'oppose notamment au popperien Hans Albert. La {{Lang}} se poursuit jusqu'en 1969, lorsqu'est publié un ouvrage collectif qui résume les prises de positions de ses principaux acteurs.
En 1964, Max Horkheimer invite Habermas à donner un cours à l'Institut de Recherche Sociale. Intitulée {{Lang}} (Connaissance et intérêt), sa leçon inaugurale prend pour point de départ un essai d'Horkheimer de 1937, {{Lang}} (Théorie et critique traditionnelle). Ce cours lui permet de développer plusieurs thèses qui seront reprises dans un ouvrage homonyme en 1968. En particulier, Habermas s'intéresse aux différents intérêts de connaissances ({{Lang}}) qui animent la recherche scientifique. Il existe selon lui trois types d{{Lang}}, chacun propre à une activité scientifique précise :
- l'intérêt de saisie du protocole technique ({{Lang}}) d'un objet donné (sciences empiriques et analytiques) ;
- l'intérêt de compréhension des relations humaines dans la société de communication (herméneutique) ;
- l'intérêt d'émancipation de la contrainte première ({{Lang}}) (sociologie et psychanalyse).
À la fin des années 1960, on propose à Habermas la direction de l'Institut. Celui-ci décline et préfère prendre la succession de Ludwig von Friedeburg au séminaire philosophique de l'institut.