Solženicyn, Aleksandr Isaevič (1918-2008)
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Biographie
Les années de formation
Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne naît le {{date}} à Kislovodsk, dans le nord du Caucase. Son père, Issaaki Sémionovitch Soljenitsyne, étudiant en philologie et en histoire à l'université de Moscou, s'engage volontairement dans l'armée russe dès l'été 1914 et sert en Prusse-Orientale. Au printemps 1918, devenu officier, de retour du front, il se blesse grièvement lors d'un accident de chasse et meurt d'une septicémie le 15 juin 1918 à l'hôpital de Gueorguievsk. La mère d'Alexandre, Taïssia Zakharovna Chtcherbak, d'origine ukrainienne, qui est fille d'un self-made man paysan de la région de la Kouma, est alors étudiante en agronomie à Moscou. Les parents d'Alexandre se sont connus à Moscou lors d'une permission d'Issaaki en avril 1917 et se sont mariés le {{date}} dans la brigade d'Issaaki.
Jusqu'à l'âge de six ans, le jeune Alexandre est confié à la famille de sa mère tandis que celle-ci travaille comme sténodactylo à Rostov-sur-le-Don. Il reçoit des rudiments d'instruction religieuse, tout en étant admis parmi les Pionniers. L'origine sociale « malsaine » de sa famille maternelle lui vaut d'ailleurs une exclusion temporaire de l'organisation. À Rostov, il partage avec sa mère un petit logement de neuf mètres carrés situé à proximité de l'immeuble de la Guépéou. Épris très jeune de littérature, ayant fait ses premiers essais littéraires alors qu'il était collégien, Alexandre Soljenitsyne choisit néanmoins de poursuivre des études universitaires de mathématiques et de physique, à la fois parce qu'il n'y avait pas de chaire de littérature à l'université de Rostov et pour des raisons alimentaires. Il suit des cours de philosophie et de littérature par correspondance, s'inscrit à un cours d'anglais et suit également des cours de latin. Comme il le reconnait volontiers, à l'époque il adhère encore à l’idéologie communiste dans laquelle il a grandi{{,}}.
Le {{date}}, il épouse Natalia Alexeïevna Rechetovskaïa, une étudiante en chimie et pianiste dont il a fait la connaissance en septembre 1936. Il passe avec succès ses examens finaux de mathématiques le {{date}}. Il est à Moscou pour ses examens de littérature le {{date}}, quand éclate la guerre contre le Troisième Reich.
La guerre
Lors de l'invasion allemande en 1941, il manque d'abord de se faire réformer, puis, à l'automne 1941, il est engagé comme soldat de l'Armée rouge dans une troupe hippomobile à l'arrière avant d'obtenir le {{date}} {{Incise}} une place à l'école d'artillerie. Décembre 1942, il est nommé commandant d'une batterie de repérage par le son avec le grade de lieutenant. Sa conduite exemplaire au feu lui vaut d'être décoré en 1943 de l'Ordre de la Guerre patriotique de {{2e}} classe après la bataille de l'Oriol et en 1944 de l'Étoile rouge pour sa participation à la prise de Rogatchov.
Le Goulag
Le 9 février 1945, le capitaine Soljenitsyne est arrêté par le SMERSH pour avoir critiqué dans sa correspondance privée la politique de Staline ainsi que ses compétences militaires. Dans une lettre interceptée par la censure militaire, Soljénitsyne reprochait au {{citation}} (selon les qualificatifs officiels) d'avoir décapité l'Armée rouge lors des « purges », d'avoir fait alliance avec Hitler et refusé d'écouter les voix qui le mettaient en garde contre l'attaque allemande, puis d'avoir mené la guerre sans aucun égard pour ses hommes et pour les souffrances de la Russie. Son destinataire aussi fut arrêté, car à deux ils formaient une « organisation contre-révolutionnaire » et, à ce titre, passibles de l'article 52 du code pénal soviétique : {{citation}} Accusé d'avoir violé l'article 58 du code pénal, le 7 juillet 1945 la {{lien}} le condamne par contumace à huit ans de prison dans les camps de travail pénitentiaire pour {{citation}}.
Au début 1952, Natalia Rechetovskaïa, qui a été renvoyée de l'université d'État de Moscou en tant qu'épouse d'un {{citation}} en 1948, doit divorcer pour retrouver un emploi. À sa sortie du camp en février 1953, quelques semaines avant la mort de Staline, Soljenitsyne – matricule CH-262 (anciennement matricule CH-232) – est envoyé en {{citation}} au Kazakhstan. Atteint d’un cancer de l’estomac, il en guérit miraculeusement.
Il est réhabilité le {{date}} et s'installe à Riazan, à {{unité}} au sud de Moscou, où il enseigne les sciences physiques. Il se remarie avec Natalia le {{date}}.
En 1972, il divorcera à nouveau (pour des raisons personnelles cette fois) pour épouser, l'année suivante, Natalia Dmitrievna Svetlova, une mathématicienne. En plus de Dimitri, fils de son premier mariage, il a avec sa seconde épouse trois enfants, Yermolai (né en 1970), {{lien}} (né en 1972) et Stepan (né 1973).
Auteur en URSS
C'est Une journée d'Ivan Denissovitch publié en 1962 dans la revue soviétique Novy Mir grâce à l'autorisation de Nikita Khrouchtchev en personne qui lui acquiert une renommée tant dans son pays que dans le monde. Le roman décrit les conditions de vie dans un camp de travail forcé soviétique du début des années 1950 à travers les yeux d'un zek, Ivan Denissovitch Choukhov.
Il est reçu au Kremlin par Khrouchtchev. Cependant, deux ans plus tard, sous Léonid Brejnev, il lui est de plus en plus difficile de publier ses textes en Union soviétique. En 1967, dans une lettre au Congrès des écrivains soviétiques, il exige {{citation}}.
Ses romans Le Premier Cercle et Le Pavillon des cancéreux, ainsi que le premier tome de son épopée historique La Roue rouge, paraissent en Occident et lui valent le prix Nobel de littérature en 1970, récompense qu'il ne pourra recevoir que quatre ans plus tard, après avoir été expulsé d'URSS. Il n'a en effet pas pu se rendre à Stockholm de peur d'être déchu de sa nationalité soviétique et de ne pouvoir rentrer en URSS, le gouvernement suédois ayant refusé de lui transmettre le prix à son ambassade de Moscou. Sa vie devient une conspiration permanente pour voler le droit d’écrire en dépit de la surveillance de plus en plus assidue du KGB. Une partie de ses archives est saisie chez un de ses amis en septembre 1965. En 1969, alors qu'il est persécuté par les autorités et ne sait plus où vivre, il est hébergé par Mstislav Rostropovitch. Il manque d'être assassiné en août 1971, par un « parapluie bulgare ». Une de ses plus proches collaboratrices échappe de justesse à une tentative d'étranglement et à un accident de voiture.
En décembre 1973, la version russe de L'Archipel du Goulag paraît à Paris, car le manuscrit avait pu être clandestinement sorti d'URSS et remis à l'imprimerie Beresniak, rue du Faubourg du Temple à Paris, une des rares imprimeries françaises à disposer des caractères typographiques cyrilliques. Il y décrit le système concentrationnaire soviétique du Goulag, qu'il a vécu de l'intérieur, et la nature totalitaire du régime. L'ouvrage avait été écrit entre 1958 et 1967 sur de minuscules feuilles de papier enterrées une à une dans des jardins amis, une copie étant envoyée en Occident, par amis interposés (qui risquaient gros) pour échapper à la censure. Il décida sa publication après qu'une de ses aides, Élisabeth Voronianskaïa, fut retrouvée pendue : elle avait avoué au KGB la cachette où se trouvait un exemplaire de l’œuvre. L'ouvrage est, comme d'autres avant lui, un témoignage, mais contrairement à ceux qui l'ont précédé, il est extrêmement précis, sourcé, et cite de nombreuses lois et décrets soviétiques servant à la mise en œuvre de la politique carcérale, de sorte qu'il est beaucoup plus difficile aux « négationnistes du Goulag » de nier la véracité des faits décrits. Cette publication connaît une grande diffusion et le rend célèbre, ce qui lui vaut d'être arrêté le 12 février 1974 et incarcéré dans la prison de Lefortovo où il prend connaissance de l'acte d'accusation de haute trahison punissable de la peine de mort. Après une nuit passée en cellule, lecture lui est faite du décret le privant de la citoyenneté soviétique et ordonnant son expulsion. Douze heures après son arrestation, il est envoyé par avion spécial à Francfort. En URSS, ses textes continuent cependant d’être diffusés clandestinement, sous forme de samizdats.
Auteur en exil
Grâce à l'aide de l'écrivain allemand Heinrich Böll, il s'installe d'abord à Zurich en Suisse où sa famille (sa femme, ses quatre enfants et sa mère) est autorisée à le rejoindre un mois plus tard, puis émigre aux États-Unis. Soljénitsyne devient une « figure de proue » des dissidents soviétiques, mais déjà apparaît, à travers ses interviews, un clivage avec certains de ses interlocuteurs qui le soupçonnent d'être réactionnaire ; il se montre en effet méfiant vis-à-vis du « matérialisme occidental » et attaché à l'identité russe traditionnelle, où la spiritualité orthodoxe joue un grand rôle.
Après une période agitée faite d'interviews et de discours (comme le discours de Harvard prononcé en 1978) aux États-Unis, Soljenitsyne fut souvent invité à des conférences. Le {{date}}, il fut invité à donner une conférence sur la situation mondiale au Sénat américain. L'Occident découvre alors un chrétien orthodoxe et slavophile très critique sur la société occidentale de consommation, et que les médias français classent dès lors parmi les conservateurs. Comme Victor Serge ou Victor Kravtchenko avant lui, l'écrivain doit affronter une campagne supplémentaire de diffamation.
Il vit avec sa famille à Cavendish, dans le Vermont, pour écrire La Roue rouge, une épopée historique comptant des milliers de pages, qui retrace la plongée de la Russie dans la violence révolutionnaire.
En 1983, il reçoit le prix Templeton.
Le 25 septembre 1993, à l'occasion de l'inauguration du Mémorial de la Vendée aux Lucs-sur-Boulogne, il prononce un discours sur les guerres de Vendée et la Révolution française, comparant ces événements, qu'il qualifie de {{citation}} », aux soulèvements populaires anti-communistes en Russie. {{refsou}}
Retour en Russie
Soljenitsyne prenant le train à Vladivostok, été 1994.
Dans le cadre de la Glasnost menée par Mikhaïl Gorbatchev, sa citoyenneté soviétique lui est restituée, et L'Archipel du Goulag est publié en URSS à partir de 1989. Après la dislocation de l'Union soviétique, il rentre via la France en Russie le {{date}}, en arrivant par l'est, à Magadan, jadis grand centre de tri carcéral. Il traverse en un mois son pays en train. Il résidera en Russie jusqu'à sa mort. Jusqu'en 1998, il conserve une activité sociale, il a son émission de télévision, voyage en Russie, rencontre des personnes et d'anciens déportés. La maladie interrompt cette activité.
Soljenitsyne vit ensuite retiré près de Moscou, au milieu de sa famille. Le Fonds Soljenitsyne aide les anciens zeks et leurs familles démunies en leur versant des pensions, en payant des médicaments. Après avoir pensé pouvoir jouer un rôle cathartique dans la Russie post-communiste, Soljenitsyne réalise que la nomenklatura a simplement changé d'idéologie, passant du communisme au nationalisme, mais qu'elle s'est maintenue aux affaires et que les démocrates, s'ils veulent convaincre, ne peuvent agir que sur les plans associatif et culturel, le plan politique étant entièrement verrouillé par Boris Eltsine, puis par Vladimir Poutine.
Un colloque international a été consacré à son œuvre en décembre 2003 à Moscou. Le {{date}}, le président Vladimir Poutine rend hommage à Soljenitsyne en lui décernant le prestigieux prix d'État.
L'ancien dissident Viktor Erofeev estima que {{citation}}. Malgré plusieurs rencontres privées avec Poutine et des marques de sympathie réciproque, Soljenitsyne accusa la politique impérialiste du président russe d'épuiser à l'extérieur les forces vives de la nation et reprocha à son nationalisme de détourner les Russes des vrais enjeux de leur avenir. Ces positions sur la politique de la Russie sont expliquées dès 1990 dans son essai Comment réaménager notre Russie.
Il meurt à son domicile de Moscou à 89 ans dans la nuit du 3 au {{date}} d'une insuffisance cardiaque aiguë. Il est enterré au cimetière du monastère de Donskoï. Ses funérailles sont retransmises en direct à la télévision russe.