Gončarov, Ivan Aleksandrovič (1812-1891)
Biographie
Ivan Gontcharov naît en 1812, l'année de la Campagne de Russie, d'Alexandre Ivanovitch Gontcharov, un riche propriétaire appartenant à une famille de négociants en grains, et d'Avdotia Matveïevna (née Chakhtorina), de près de vingt ans plus jeune que lui, qu'Alexandre Ivanovitch a épousée à 55 ans après un premier veuvage. Il a un frère aîné de quatre ans, Nikolaï, et aura deux sœurs, Alexandra, née en 1815, et Anna, en 1818. Son père meurt en 1819, alors qu'il n'a que sept ans ; sa mère se remariera avec Nikolaï Nikolaïevitch Tregoubov, ancien officier de marine et franc-maçon, qui manifestera une grande bienveillance à l'égard d'Ivan et de ses frère et sœurs.
Sa mère l'envoie, en même temps que son frère, étudier à l'École commerciale de Moscou, qui dispense un enseignement médiocre et où il s'ennuiera ferme huit ans durant. En 1831, il entre à l'Université de Moscou. Il y croise Mikhaïl Lermontov, qu'il juge trop banal et indolent pour se lier d'amitié avec lui. Il commence à traduire le roman d'Eugène Sue, Atar-Gull, et parvient à faire publier sa traduction dans la revue Le Télescope. Il peut approcher Alexandre Pouchkine en septembre 1832 à l'Université, qu'il quitte en 1834 après avoir réussi ses examens de la faculté des Lettres.
Parlant français, allemand et anglais, il devient traducteur au ministère des Finances, entamant ainsi une carrière de fonctionnaire de l'État.
En 1847, lancé par le critique Bielinski, il publie son premier roman Une histoire ordinaire, qu'il a commencé à rédiger en 1844 : c'est un succès. Il donne l’année suivante des fragments de son chef-d’œuvre Oblomov, dont il achèvera la rédaction dix ans plus tard.
Haut fonctionnaire impérial, Gontcharov est d'abord employé au ministère de l’Instruction publique, puis attaché au ministère des Finances en 1852. On lui confie alors la tâche d’établir les premières relations commerciales avec le Japon, contrée lointaine et fermée. Il le fait en qualité de secrétaire de l'amiral Putjatin. De cette mission, Gontcharov laisse un récit de voyage, La Frégate Pallas. En 1855, sous le règne d'Alexandre {{II}}, il est nommé à la censure, puis conseiller d’État aux affaires de presse (1863).
Gontcharov a eu des relations amicales tumultueuses avec Ivan Tourgueniev, avec lequel il se brouille à partir de 1857, l'accusant de plagiat. La presse prend généralement le parti de Tourgueniev et se moque de Gontcharov. Ils se réconcilieront partiellement vers 1863, Gontcharov ayant publié un article aimable sur Pauline Viardot, l'amie de Tourgueniev, tout en restant rivaux en littérature. Il donnera sous le titre de Une histoire non commune l'histoire de son différend avec Tourgueniev (qui demeura inédite jusqu'en 1924). Ce récit des rapports entre Gontcharov et Tourgueniev est une page plutôt triste de l'histoire de la littérature russe qui a son pendant dans celle des rapports entre Tourgueniev et Dostoievski.
En 1869, il publie son dernier roman, Le Ravin (en {{lang-ru}}), un procès du nihilisme. Ce roman marque une tentative de prise de position idéologique alors que Une histoire commune et Oblomov reflétaient plutôt les souvenirs d'enfance et de jeunesse de l'écrivain. La part des souvenirs d'enfance n'est pas moindre dans Le Ravin, mais dans ce dernier roman la prise de position théorique tourne au désavantage de l'imagination .
Après Le Ravin Gontcharov ne publia qu'un conte assez court comme œuvre narrative : La soupe de poisson (Oucha).
En 1883 (l'année de la mort de Tourgueniev, à Bougival) paraissent ses Œuvres complètes en huit volumes, qui lui valent de nombreux témoignages d'admiration. Il est traduit en français, anglais, allemand et suédois.
Il meurt d'une pneumonie à Peterhof en 1891. Ses obsèques attirent beaucoup de monde, dont le grand-duc Constantin. Il est enterré au monastère Saint-Alexandre-Nevski ; ce n'est que le 27 août 1956 que ses restes seront transférés au cimetière Volkovo, où reposent beaucoup des plus grands écrivains de Russie.
Son œuvre littéraire comporte de nombreux récits, essais, portraits, critiques de théâtre ou de tableaux, articles, nouvelles, contes, poésies, correspondances notamment avec le frère de l'empereur, des traductions (Friedrich von Schiller, Goethe, Winckelmann, Eugène Sue et autres) et des analyses critiques d’auteurs français (Balzac, Zola, Flaubert, les frères Goncourt) ou russes (Lermontov).
Voyage sur la frégate Pallas
Gontcharov, écrivain célèbre à l’époque, maître du réalisme positif, haut fonctionnaire, conseiller d’État, et alors attaché au ministère des Finances, accepte le poste de secrétaire de l’amiral Yevfimy Poutiatine, entre 1852 et 1855. Il tient le journal de bord, gère la correspondance, entre en pourparlers avec la diplomatie japonaise et envoie des rapports.
Son livre-témoignage La Frégate Pallas est un document sociologique et ethnographique unique en son genre. Durant les dix mois de ce périple via l’Angleterre, Madère, les îles du Cap-Vert, le cap de Bonne-Espérance, Java, Singapour et Hong Kong, la frégate essuya tempêtes et typhons dans le Pacifique.
Le {{date}}, la frégate Pallas jette l’ancre à Nagasaki, seul port japonais alors ouvert aux étrangers après deux cents ans d’une politique de fermeture au monde. Gontcharov décrit ce pays comme {{citation}}.
Oblomov
{{Article détaillé}} Au dire de Léon Tolstoï, Oblomov est une œuvre capitale ; selon Dostoïevski, elle est {{citation}}. Ce roman de mœurs lui fut payé 10000 roubles par l’éditeur des Mémoires nationaux russes dans lequel il fut publié en 1859 ; ce détail suffit pour donner une idée de la popularité dont jouissait de son vivant l’écrivain. Son héros est devenu un mythe littéraire russe aussi présent que Faust ou Don Juan. Oblomov, aristocrate oisif, est dans la culture russe le prototype de l’homme paresseux et médiocre, qui sacrifie ses rêves à une léthargie, qu’il vit pourtant comme un drame. Ce personnage est devenu en Russie un archétype après la parution de l'article « Qu'est-ce que l'oblomovisme ? » par le critique littéraire Nikolaï Dobrolioubov. Loblomovisme doit être pris en considération parce qu'il a permis à la critique russe de créer l'un des nombreux ismes utilisés pour classer des phénomènes de la vie sociale lorsqu'ils sont représentés dans la littérature. Selon Ettore Lo Gatto, si la prose de Gontcharov peut paraître moins riche que celle de Tourguéniev, moins abondante, moins pénétrée de fraîcheur, elle peut être, par contre, considérée comme « une prose parfaite par son modelé et sa fidélité à se conformer au contenu du récit ».