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Deleuze, Gilles (1925-1995)

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Biographie

Enfance et formation

Gilles Deleuze naît en 1925, à Paris, dans une famille bourgeoise. Son père Louis est ingénieur, sa mère Odette Camaüer s'occupe de la maison et de ses deux enfants, Gilles et son grand frère Georges âgé de trois ans de plus que lui. Ses deux parents sont de droite, son père est proche des Croix-de-feu. Deleuze raconte dans L'Abécédaire l'effroi de ses parents à l'été 1936, quand la plage de Deauville où ils passent leurs vacances depuis des années est {{citation}} par des prolétaires venus grâce aux congés payés. Dès son plus jeune âge, Gilles Deleuze souffre de troubles respiratoires.

En 1940, la guerre surprend les Deleuze alors qu'ils sont en villégiature à Deauville. Les parents décident de laisser Gilles dans cette ville en pensionnat. Alors qu'il était jusque-là élève médiocre, il découvre la littérature grâce à son professeur Pierre Halbwachs, qui lui fait lire André Gide, Charles Baudelaire ou encore Anatole France.

L'armistice signé, il revient à Paris. En 1941, il fait ses études secondaires au Lycée Carnot en compagnie de Michel Tournier. Il est alors le camarade de classe de Guy Môquet, a pour professeur Pierre Vial, alors que Maurice Merleau-Ponty enseigne dans l'autre khâgne. Pendant ces années de guerre, il rencontre, par l'entremise de Tournier, Maurice de Gandillac et Marie-Madeleine Davy qui lui présente Georges Bataille, Pierre Klossowski, Jean Grenier, Brice Parain, Michel Butor, Jean Paulhan, Roger Caillois, ou encore Jean-Paul Sartre, lors de réunions privées le dernier samedi de chaque mois. Michel Tournier emmène Deleuze aux cours publics des psychiatres Alajouanine et Jean Delay à l'hôpital de la Salpétrière.

Pendant ces années d'Occupation, il est très marqué par la lecture de Jean-Paul Sartre. L'Être et le néant l'enchante, et il va voir Les Mouches au théâtre Sarah-Bernardt. En 1944, Gilles Deleuze publie, par jeu, un pastiche de Jean-Paul Sartre intitulé Description de la femme. Pour une philosophie d'autrui sexuée{{,}}{{efn}}

Le 2 juillet 1944 son frère aîné, Georges, est arrêté pour résistance et meurt pendant son transfert vers le camp de concentration de Buchenwald. Cette mort affecte fortement Gilles et ses parents. Ces derniers vouent, selon Michel Tournier, un véritable culte à l'enfant mort, tandis que Gilles en est réduit à être {{citation}}, perçu comme médiocre.

Après 1945, il intègre l'hypokhâgne puis la khâgne du Lycée Louis-le-Grand. Ses professeurs sont Ferdinand Alquié, Georges Canguilhem, Maurice de Gandillac, Jean Hyppolite. Il va également au Lycée Henri IV suivre les cours de Jean Beaufret, introducteur de Martin Heidegger en France. Malgré ses aptitudes jugées exceptionnelles par ses professeurs, qui lui parlent d'égal à égal, il échoue au concours d'entrée de l'École Normale Supérieure ; mais, au vu de ses excellents résultats, il obtient une bourse d'étude pour préparer l'agrégation, qu'il prépare à la Sorbonne, où Georges Canguilhem et Maurice de Gandillac sont à nouveau ses professeurs, ainsi que Gaston Bachelard et Jean Wahl. À l'Université, il se lie d'une grande amitié avec Claude Lanzmann.

Sa première déception vient de Sartre à l'occasion de sa conférence L'existentialisme est un humanisme prononcée le 29 Octobre 1945. Michel Tournier, avec qui Deleuze était allé écouter la conférence, écrit à ce sujet : {{citation}}. Deleuze participe en 1946 à la revue Espace, sous l'égide d'Alain Clément, qui n'aura qu'un seul numéro et pour laquelle il écrit l'article Du Christ à la bourgeoisie.

En 1947, il prépare l'Agrégation aux côtés de François Châtelet. Matière et Mémoire de Henri Bergson est au programme, livre qui marque durablement sa pensée et lui fait considérer Bergson comme un philosophe de tout premier plan, alors que ses amis, de tendance marxisante comme François Châtelet, voient dans Bergson un {{citation}}. Il manque plusieurs cours dans l'année à cause de ses problèmes respiratoires, et est très angoissé par les épreuves orales, qui l'avaient fait échouer à l'ENS ; c'est François Châtelet qui le force à aller à ces épreuves ; Gilles Deleuze est reçu second. L'agrégation lui donne une autonomie économique qui lui permet de quitter sa mère, alors que son père vient de mourir.

Professeur de philosophie

Professeur agrégé en 1948, il passe un an en Allemagne pour étudier à l'Université de Tübingen. À son retour, il s'installe à l'hôtel de la Paix, sur l'île Saint-Louis à Paris, dans une chambre proche de celle de Michel Tournier. La semaine, il enseigne au lycée Louis-Thuillier d'Amiens, et ce jusqu'en 1952.

Il enseigne ensuite lycée Pothier d'Orléans et au lycée Louis-le-Grand.

Il obtient un poste d'assistant à la faculté des lettres de l'université de Paris en 1957 et se consacre alors à l'histoire de la philosophie. En 1960, il est nommé attaché de recherche du CNRS, puis en 1964, chargé d'enseignement à la faculté des lettres de l'université de Lyon, où il assure notamment en licence les cours de "Morale et Sociologie" et de "Philosophie Générale". Ses collègues s'appellent Henri Maldiney, François Dagognet, GenevièveRodis Lewis, Pierre Fedida. C'est cette même année 1964 que naît sa première fille, Émilie. Mai 1968 : déclenché à Paris, le mouvement de Mai provoque une importante réplique à Lyon : les étudiants se mettent en grève, bloquent les épreuves des concours, occupent les locaux jour et nuit. Gilles Deleuze soutient activement le mouvement.

En 1969, l'université de Paris lui décerne le doctorat ès lettres pour sa thèse principale Différence et répétition sous la direction de Maurice de Gandillac, et sa thèse secondaire Spinoza et le problème de l’expression sous la direction de Ferdinand Alquié.

Après Mai 1968

La même année sa rencontre avec Félix Guattari, aussi décisive que celle de Simondon, entame une longue et fructueuse collaboration.

Nommé maître de conférences puis professeur à l'Université Paris-VIII, il y enseigne jusqu'à sa retraite universitaire en 1987. En 1987 il créé avec Guattari la « Revue des schizoanalyses » Chimères.

Après 1987

Dans Le Pli, Leibnitz et le baroque (1988), Gilles Deleuze reprend sa réflexion sur Leibniz et sa métaphysique à travers la métaphore topologique du pli, au filtre de l'historien et philosophe des sciences Michel Serres : « Nul mieux que Michel Serres n'a dégagé les conséquences mais aussi les présupposés de la nouvelle théorie des coniques... le nouveau modèle optique de la perception et de la géométrie dans la perception qui répudie les notions tactiles, contact et figure au profit d'une "architecture de la vision". ». Deleuze aborde ainsi la question esthétique du baroque, comme style, qu'il soit passé ou contemporain, à travers sa lecture de Leibniz et de Spinoza, l'analyse d'Eugenio d'Ors et développe sa réflexion esthétique avec les œuvres contemporaines de Simon Hantaï, Pierre Boulez ou de Carl André...

Dans Qu'est-ce que la Philosophie ? (1991), Gilles Deleuze tente une explication de la philosophie comme attitude dans la vie au contraire d'une doxa ontologique qui dirait la vérité définitive des choses. La philosophie est questionnement, interrogation ouverte sur le réel et non pas vérité imposée ou transcendante. Les concepts que développe le philosophe sont des outils à la disposition de tous pour tenter de comprendre le monde.

En 1988, il accepte de participer à un long entretien télévisé avec son ancienne élève Claire Parnet à condition que ce film ne soit diffusé qu'après sa mort : c'est L'Abécédaire de Gilles Deleuze, réalisé par Pierre-André Boutang.

Atteint d'une grave maladie respiratoire, Gilles Deleuze se suicide le {{date}}. {{citation}}{{efn}}. Il est enterré à Saint-Léonard-de-Noblat, en Haute-Vienne.