Nora, Pierre (1931-....)
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Biographie
Famille
Juif ashkénaze, Pierre Nora est le fils du médecin Gaston Nora et de Julie Lehman et le frère de Simon Nora. Il fut l'époux de l'historienne et conservatrice d'art Françoise Cachin. Veuf depuis 2011, il est le compagnon de la journaliste Anne Sinclair.
Formation
Il est dans les années 1950 élève en hypokhâgne et en khâgne au lycée Louis-le-Grand (après des études secondaires au lycée Carnot), mais il n'est pas reçu à l'École normale supérieure. Il obtient par la suite une licence ès lettres en philosophie et fut reçu à l'agrégation d'histoire en 1958.
Carrière universitaire
Il est professeur au lycée Lamoricière (aujourd'hui lycée Pasteur) d'Oran (Algérie) jusqu'en 1960 ; il en rapporte un essai publié sous le titre Les Français d'Algérie (1961).
Il est pensionnaire de la Fondation Thiers de 1961 à 1963, et assistant, puis maître-assistant à l'Institut d'études politiques de Paris de 1965 à 1977. Depuis 1977, il est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales.
Carrière dans l'édition
Parallèlement, Pierre Nora a mené une carrière importante dans l'édition. Il entre d'abord en 1964 chez Julliard, où il crée la collection de poche Archives. En 1965, il rejoint les éditions Gallimard : la maison d'édition, déjà bien installée dans le marché de la littérature, souhaite développer son secteur des sciences sociales. C'est Nora qui accomplira cette mission en créant deux collections importantes, la Bibliothèque des sciences humaines en 1966 et la Bibliothèque des histoires en 1970, ainsi que la collection Témoins en 1967.
Chez Gallimard, Nora publie dans les collections qu'il dirige des travaux importants qui constituent généralement des références incontournables{{refnec}} dans leurs champs de recherche, notamment :
- Dans la Bibliothèque des sciences humaines, Raymond Aron (Les Étapes de la pensée sociologique, 1967), Georges Dumézil (Mythe et épopée, 1968–1973), Marcel Gauchet (Le Désenchantement du monde, 1985), Claude Lefort (Les Formes de l'histoire, 1978), Henri Mendras (La Seconde Révolution française, 1988), Michel Foucault (Les Mots et les Choses, 1966 ; L'Archéologie du savoir, 1969) ; Geneviève Calame-Griaule (Ethnologie et langage, 1966).
- Dans la Bibliothèque des histoires, François Furet (Penser la Révolution française, 1978), Emmanuel Le Roy Ladurie (Montaillou, 1975, meilleure vente de la collection avec 145 000 exemplaires), Michel de Certeau (L'Écriture de l'histoire, 1975), Georges Duby (Le Temps des cathédrales, 1976), Jacques Le Goff (Saint Louis, 1997), Jean-Pierre Vernant (L'Individu, la mort, l'amour, 1989), Maurice Agulhon (Histoire vagabonde, 1988–1996), Michel Foucault (Histoire de la folie à l'âge classique, 1972 ; Surveiller et punir, 1975 ; Histoire de la sexualité, 1976–1984).
- Des chercheurs étrangers qu'il contribue à introduire en France, comme Ernst Kantorowicz (Les Deux Corps du roi, 1957, publié en 1989), Thomas Nipperdey (Réflexions sur l'histoire allemande, 1983–1992, en 1992), Karl Polanyi (La Grande Transformation, 1944, en 1983).
Fonctions administratives
Il a été président de la Librairie européenne des idées au Centre national du livre de 1991 à 1997 et membre du Conseil d'administration de la Bibliothèque nationale de France de 1997 à 2000.
Il est membre du Conseil scientifique de l'École nationale des chartes depuis 1991, du Conseil d'administration de l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles depuis 1995, et du Haut Comité des célébrations nationales depuis 1998.
La vie intellectuelle
En mai 1980, Nora fonde chez Gallimard la revue Le Débat avec le philosophe Marcel Gauchet ; elle devient vite l'une des revues intellectuelles françaises majeures. Il a participé à la Fondation Saint-Simon, créée en 1982 par François Furet et Pierre Rosanvallon et dissoute en 1999.
Il s'est opposé à la loi du {{date}} « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur de Français rapatriés » en cosignant une pétition dans le quotidien Libération intitulée Liberté pour l'histoire. Cette loi, dont l'alinéa 2 de l'article 4 a été abrogé le {{date}}, établissait que les programmes de recherche devaient accorder plus d'importance à la place de la présence française outre-mer et que les programmes scolaires devaient en reconnaître le rôle positif.
Pierre Nora est également très connu pour avoir dirigé Les Lieux de Mémoire, trois tomes se donnant pour but de faire un inventaire des lieux et des objets dans lesquels s'est incarnée la mémoire nationale des Français.
Il est signataire de l'Appel de Blois, le 10 octobre 2008.
Critiques et controverses
Le pouvoir certain de Pierre Nora dans le monde de l'édition française l'a exposé à des critiques. Ainsi, il refuse en 1997 de faire traduire l'ouvrage d'Eric Hobsbawm The Age of Extremes (1994), en raison de l'{{citation}} de son auteur. Nora explique que le contexte d'hostilité au communisme en France n'est pas approprié à ce genre de publication, que tous les éditeurs « bon gré mal gré, sont bien obligés de tenir compte de la conjoncture intellectuelle et idéologique dans laquelle s'inscrit leur production ». Il rapporte aussi que François Furet, qui appelait à la traduction du livre dans une longue note infra-paginale du Passé d'une illusion (1995), lui aurait conseillé : « Traduis-le, bon sang ! Ce n'est pas le premier mauvais livre que tu publieras. » L'attitude de Pierre Nora dans cette affaire donne lieu à polémique avec Serge Halimi, qui l'accuse de "Maccarthysme éditorial" dans Le Monde diplomatique. Le livre est finalement publié en 1999 sous le titre L’Âge des extrêmes aux éditions Complexe à Bruxelles avec la collaboration du Monde diplomatique. Hobsbawm écrit à cette occasion un article dans Le Monde diplomatique intitulé « L’Âge des extrêmes échappe à ses censeurs », dans lequel il déclare notamment que « la résistance des éditeurs français, seuls parmi les éditeurs des quelque trente pays qui ont traduit l’Âge des extrêmes, ne laisse pas d’intriguer ».
En 2005, dans un livre intitulé la Pensée tiède, composé de deux articles publiés au préalable dans la presse anglophone, l'historien Perry Anderson a souligné le rôle joué par Pierre Nora et d'autres (en particulier François Furet) dans l'évolution de la vie intellectuelle en France depuis les années 1980, notamment dans le tournant conservateur marqué par l'emprise du courant de lanti-totalitarisme. Pierre Nora a fait paraître sa réponse à la fin du livre, dans une post-face intitulée la Pensée réchauffée, ce qui donne lieu à une nouvelle polémique avec Serge Halimi.
Le 12 octobre 2011 sur France Inter, il compare le génocide des Arméniens à « quelques mouches écrasées »{{,}}{{,}}{{refins}}, des propos qui selon Séta Papazian du Collectif VAN (Vigilance Arménienne contre le Négationnisme) « interpellent sur la légitimité de l’historien à s’exprimer sur des sujets qu’il ne maîtrise visiblement pas ».