Hoffmann, Ernst Theodor Amadeus (1776-1822)
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Biographie
Sa jeunesse
La cour du château de Kœnigsberg, près duquel était bâtie la maison natale d'Hoffmann.
Issu d'une famille de pasteurs et d'hommes de loi appartenant à l'ancienne bourgeoisie de robe, fils d'un pasteur luthérien, Christoph-Ludwig Hoffmann (1736-1797), le père d'E. T. A. Hoffmann est avocat à Königsberg. Poète et compositeur à ses heures, il épouse le {{date}} sa cousine, Louise Albertine Doerffer (1748-1796), avec laquelle il a trois enfants : Johann Ludwig, né le {{date}} et mort après 1822, Carl Wilhelm Philipp, né le {{date}} et mort dans l'enfance, enfin, Ernst Theodor Wilhelm, né le {{date}}, dans une maison de la rue des Français, au pied du vieux château.
En 1778, le couple parental se sépare. Nommé peu après à Insterbourg, en Petite Lituanie, Christophe-Ludwig emmène avec lui l'aîné de leurs enfants ; il meurt dans cette ville le {{date}}. Ernst est donc élevé dans la famille de sa mère, une femme malade et d'une excessive nervosité qui meurt d'apoplexie dans la nuit du 14 mars au 15 mars 1796. De son père, il n'entend parler que par sous-entendus et cette blessure fait souffrir Hoffmann toute sa vie durant. Trois personnes s'occupent alors de lui : sa grand-mère Doerffer, sa tante Johanna Sophie (1745-1803), surnommée {{lang}} (ou « petit pied ») et son oncle Otto Wilhelm Doerffer (1741-1811), magistrat célibataire, d'humeur sombre, dévote et solennelle dont Hoffmann devait tracer, dans ses lettres et à travers plusieurs personnages de son œuvre, un portrait sans aménité. Il le surnomme « {{lang}} » (« Oh Weh! »), qui signifie : « oncle quel malheur ! » ou « oncle catastrophe ». Bien qu'il soit épris de musique, cet oncle a {{Citation}}.
université Albertina de Kœnigsberg]], où étudia Hoffmann.
En 1781, Hoffmann entre à la {{lang}}, une école luthérienne, où il fait des études classiques. Il apprend également la musique, et notamment l'art de la fugue et du contrepoint, auprès d'un organiste polonais, Christian Wilhelm Podbielski (1740-1792), qui inspire le personnage d'Abraham Liscot dans Le Chat Murr, et il se révèle un pianiste prodige. Il s'essaie aussi à écrire des poèmes, des romans et à dessiner. Cependant, son milieu, provincial, n'est pas favorable à l'acquisition d'une technique et le jeune homme reste ignorant de toute discipline un peu stricte et étranger aux formes nouvelles qui naissent alors en Allemagne.
Entré à l'université de Königsberg le {{date}}, l'oncle d'Hoffmann le contraint à étudier le droit dans sa ville natale, même si ce dernier a peu de goût pour ces études. Sa correspondance de jeunesse n'en garde guère l'écho, au contraire de ses lectures, qu'il s'agisse de Voltaire, de Rousseau, de Goethe, de Schiller, de Jean Paul ou de Kotzebue. En musique, il admire Bach, Mozart et les Italiens ; il ne découvre que plus tard Haydn, Gluck et Beethoven.
En 1786, Ernst se lie d'amitié avec Theodor Gottlieb von Hippel (1775-1843), fils d'un pasteur, écrivain connu et l'un des familiers d'Emmanuel Kant. En 1792, les deux amis se retrouvent à l'université, où ils suivent notamment les cours du philosophe. En 1794, il a une grande passion pour une jeune femme de vingt-huit ans mariée à un négociant de plus de soixante ans, Johanna-Dorothea Hatt, à qui il donne des leçons de musique et qu'il appelle affectueusement « Cora », en souvenir de l'héroïne des Incas de Marmontel.
Une carrière de fonctionnaire provincial
Castor et Pollux]] (lettre d'Hoffmann à Hippel du {{date}}).
Dès 1794 et avant l'achèvement de ses études en {{date}}, son grand-oncle, le conseiller royal Christoph Ernst Voeteri (1722-1795), notaire au service de plusieurs familles nobles de Prusse-Orientale, le prend comme clerc. Hoffmann l'accompagne donc à plusieurs reprises dans ses visites de leurs domaines (épisode qui apparaît dans Le Majorat). Il est ensuite envoyé en {{date}} à Glogau, en Silésie, chez son oncle maternel qui est conseiller, Johann Ludwig Doerffer (1743-1803), et chez lequel il travaille pendant deux ans comme auditeur. À la société bourgeoise de Glogau, il préfère la compagnie des artistes locaux. Il fait notamment la connaissance de Johann Samuel Hampe (1770-1823), Julius von Voß, Franz von Holbein (1779-1855) et Wilhelmine Encke, comtesse de Lichtenau, ancienne maîtresse du roi Frédéric-Guillaume II de Prusse, à qui il est présenté en {{date}}. Bien qu'il soit attaché à la tradition protestante, il choisit ses amis parmi les catholiques.
Embauché pour aider à décorer une église (situation utilisée dans L'Église des Jésuites), il se lie d'amitié avec un peintre italien, Aloys Molinari (1772-1831), qui l'initie aux secrets de son art et lui inspire la nostalgie du Sud, et singulièrement de l'Italie, qui s'exprime dans nombre de ses écrits. Il se fiance aussi avec une cousine, Wilhelmina Doerffer (1775-1853), dite « Mina », et semble se diriger vers un mariage de raison. Toutefois, alors qu'il vient de s'inscrire à l'examen pour l'admission aux emplois supérieurs dans l'administration judiciaire, dans l'été 1798, il apprend que le père de Mina a été nommé conseiller intime à la {{lang}} (cour d'appel) à Berlin. Heureux de quitter Glogau et de suivre sa bien-aimée, il demande le transfert de son poste et s'installe donc dans la capitale. Il y passe avec succès son examen et devient référendaire à la {{lang}}, puis il prépare l'examen d'assesseur.
Il peint, dessine, compose un opéra-comique, Le Masque, qu'il dédie à la reine Louise (mais que le directeur des spectacles, Iffland, refuse) et fréquente assidûment le monde des revues et des théâtres, qui est assez actif dans ces années-là, bien que le romantisme ait encore ses principaux foyers vivants dans l'Allemagne du Sud, à Iéna entre 1798 et 1806. Le groupe de Berlin ne commence à s'imposer qu'à partir de 1808, avec des figures comme August Wilhelm Schlegel, Adelbert von Chamisso, Friedrich de La Motte-Fouqué, Heinrich von Kleist, Zacharias Werner, Joseph von Eichendorff et Hoffmann.
Caricature d'Hoffmann par lui-même.
En {{date}}, ayant passé avec succès l'examen d'assesseur, il repart en province, à Posen, une importante ville de la région de Grande-Pologne dont la population est mixte, allemande et polonaise, évangélique et catholique. Devenu un bon vivant, Hoffmann se permet de faire toutes sortes d'espiègleries avec ses amis, une bande de jeunes Allemands : ivrogneries et farces se succèdent et Hoffmann dessine des caricatures de ses collègues et de ses supérieurs. Il débute ses deux années à Posen par une grave maladie de foie due à l'abus du punch, sa boisson favorite. Dans la ville de Posen, il jouit d'une manière de célébrité. On fait jouer une cantate qu'il a écrite pour saluer le siècle nouveau et un opéra qu'il a rédigé à partir de Goethe (Badinage, ruse et vengeance), dont n'a été conservé que le titre. Mais son désaccord avec la société bourgeoise s'agrandit.
En 1801, il rompt ses fiançailles avec sa cousine{{ref}}, s'attirant ainsi la réprobation de sa famille. De même, il s'aliène la sympathie de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques en faisant de cruelles caricatures, qui circulent dans la ville. Il mène alors une double vie, de fonctionnaire et de bohémien. Ces impertinences lui valent d'être envoyé, en pénitence, dans un centre urbain moins important. Le {{date}}, un arrêté le nomme conseiller à Plock, aux appointements de 800 écus par an. Mais, entre-temps, il rencontre à Posen la fille d'un fonctionnaire polonais, Maria Thekla Michalina Rorer-Trzynska (1781-1859){{,}}{{,}}, dite « Rohrer » selon un usage de germaniser les noms, sur laquelle peu de documents existent, mais qu'il épouse le 26 juillet en l'église catholique Corpus-Christi et qui demeurera jusqu'au bout à ses côtés.
Posen]] où Hoffmann se marie le {{date}}.
Exilé à Plock, entre {{date}} et le printemps 1804, un petit bourg de trois mille habitants, presque tous Polonais, Hoffmann commence le {{date}} à tenir son journal intime{{,}}, écrit en partie en caractères grecs ou en abréviations, pour échapper à la curiosité de son épouse. Durant ces deux années, il n'éprouve que tristesse et ennui et se demande s'il ne devrait pas abandonner la magistrature pour se vouer à l'art, mais sans parvenir à se déterminer, entre la peinture, la musique et la poésie. Il ébauche deux opéras : Le Renégat et Faustina. Déterminé à échapper à cet exil, il multiplie les démarches et sollicite l'intervention de ses amis. En attendant, il reprend sa vie de café, prend l'habitude du punch (une boisson à base d'arak, de citron et de sucre que l'on fait flamber) et connaît de graves crises d'angoisse nerveuse. Enfin, grâce à Hippel, il obtient d'être muté à Varsovie. Avant de rejoindre son nouveau poste, il fait un dernier séjour dans sa ville natale en {{date}}. Sa tante Sophie vient de mourir le {{date}}, et il craint d'être lésé de sa part d'héritage.
Varsovie et la découverte de l'art
Autoportrait d'Ernst Theodor Amadeus Hoffmann.
Dans la capitale polonaise, Hoffmann retrouve enfin l'ambiance qui lui avait plu à Berlin. Il retrouve Zacharias Werner, compatriote de Kœnigsberg et fils de son parrain, et se lie avec un jeune collègue juif, de quatre ans son cadet, Julius Eduard Hitzig, son futur biographe, qui est à Varsovie depuis cinq ans et fait partie du groupe littéraire berlinois du « {{lang}} » (l'« Étoile du Nord ») ; il est resté en relations personnelles avec August Wilhelm Schlegel, Adelbert von Chamisso, Friedrich de La Motte-Fouqué et Rachel Varnhagen von Ense (1771-1833), née Levin. C'est Werner qui révèle à Hoffmann la littérature nouvelle et lui fait lire Novalis, Ludwig Tieck, les frères August et Friedrich Schlegel, Achim von Arnim, Clemens Brentano, Gotthilf Heinrich von Schubert (l'auteur de La Symbolique des rêves et des Aspects nocturnes des sciences naturelles). C'est Hitzig aussi qui donne à Hoffmann les œuvres de Carlo Gozzi et de Calderón. Ces lectures relativement tardives marquent profondément Hoffmann, le révèlent à lui-même et le mettent sur la voie de son œuvre personnelle. De son côté, Zacharias Werner, personnalité complexe, lui fait découvrir l'attrait de la religion et d'une ambiance de mystère.
À Varsovie, Hoffmann se passionne aussi pour le théâtre. Il fait dix projets d'opéras, compose une messe solennelle, une symphonie, un quintette ainsi que des chansons à l'italienne. Il parvient à faire jouer à l'opéra de la ville son adaptation des Joyeux musiciens de Clemens Brentano. En revanche, à Berlin, Iffland refuse La Croix sur la Baltique, dont le texte est de Zacharias Werner et la musique d'Hoffmann, auquel un autre compositeur lui est préféré. Cette œuvre est considérée comme le premier exemple de musique romantique. Il continue de peindre, notamment les fresques du palais de Mniszek, siège de la Société Musicale. Mais, repris par son goût de la satire, il donne aux dieux égyptiens d'une des fresques les visages caricaturés des fonctionnaires dont il dépend, ce qui lui crée quelques ennuis. De même, il fait circuler d'autres portraits-charges de ses supérieurs. En dépit de ses multiples activités, Hoffmann s'ennuie à Varsovie ; il déteste de plus en plus son métier, et l'existence trop bruyante de la ville épuise ses nerfs. Une fille voit le jour en {{date}} ; elle est baptisée « Cécile » en souvenir de la patronne des musiciens, et Hoffmann compose une messe en son honneur.
Mais, en {{date}}, l'armée française occupe Varsovie et met fin à l'administration prussienne. Hoffmann préfère démissionner. Mais, sans ressources, il ne parvient à quitter la Pologne qu'en {{date}} et part à Berlin, laissant au passage sa femme et sa fille à Posen.
Musique et littérature
Autoportrait d'Hoffmann, avant 1822.
L'année passée à Berlin en 1807 et 1808 est la plus misérable de toute la vie d'Hoffmann. Dans la ville occupée par les troupes napoléoniennes, il ne parvient pas à se faire réintégrer dans les cadres de la magistrature, et c'est à peine s'il obtient de maigres subsides. Il doit recourir à l'aide d'amis, leur emprunter de l'argent et reste parfois plusieurs jours sans manger. C'est pourtant à Berlin qu'il compose les six cantiques pour chœur {{lang}} dédiés à la Vierge, l'une de ses œuvres musicales la plus reconnue, que, dans Le Chat Murr, il attribuera à Johannès Kreisler.
Le maître de chapelle Johannès Kreisler, dessiné par Hoffmann.
En {{date}}, il apprend que sa petite fille est morte à Posen. Enfin, ayant mis une annonce dans un journal, le comte von Soden lui propose, en {{date}}, l'emploi de « chef de musique » ({{lang}}) au théâtre de Bamberg, en Bavière. Mais sa nomination ne sera effective qu'en {{date}}, et son entrée en fonctions fixée au {{1er septembre}} suivant. En attendant, il se rend chez un ancien ami, à Glogau.
En {{date}}, Hoffmann va chercher à Posen sa femme et l'emmène à Bamberg. C'est à son arrivée dans cette ville que l'on situe la substitution de son troisième prénom, « Wilhelm », par « Amadeus » en hommage à Mozart, même si l'on trouve déjà ce nom sur le manuscrit de l'opéra Les Joyeux musiciens (1804) et si l'éditeur zurichois Hans Georg Nägeli (1773-1836) s'adresse à lui en {{date}} avec les initiales « E.T.A. ».
Hoffmann va passer à Bamberg cinq années décisives, entre 1808 et 1813 durant lesquelles il découvre l'Allemagne du Sud et, pour la première fois, peut se vouer à la musique. Mais la pratique de cet art lui permet de constater l'insuffisance de sa formation, et il se tourne, entre 1809 et 1814, vers la critique musicale, qui lui ouvre la voie de la création littéraire, sans pour autant abandonner la composition. Un choix commence à s'opérer entre les trois arts. La musique lui fait trouver son style d'écrivain, tandis que le dessin et la peinture passent au rang de divertissements. La ville de Bamberg plaît à Hoffmann, avec sa cathédrale, ses palais baroques et sa population catholique d'humeur assez gaie, qui le change de la bourgeoisie de Königsberg. Mais le théâtre de Bamberg, mal géré par le comte von Soden, est en pleine décadence, et Hoffmann ne conserve que peu de temps son poste de chef d'orchestre. Il lui faut courir le cachet, enseigner la musique aux jeunes filles. Les choses ne s'amélioreront qu'en 1810, lorsque l'acteur Franz von Holbein et le docteur Adalbert Friedrich Marcus (1753-1816), deux amis d'Hoffmann, reprennent le théâtre en main. Pendant deux ans, Hoffmann se dépense avec enthousiasme.
La cathédrale impériale de Bamberg ({{lang}} de Joseph Kürschner, 1891).
Hoffmann habite en face du théâtre et de l'hôtel de la Rose (qu'il dépeint dans Don Juan avec sa chambre ouvrant sur une loge, dans une petite maison étroite). La mansarde lui sert de refuge ; il y travaille, assis sur le rebord de la lucarne, les jambes dans le vide, dans le voisinage aimé des chats de gouttière, qu'il décrira dans Le Chat Murr. Dans le plancher, il a fait pratiquer une trappe par laquelle sa femme lui fait passer de la nourriture. Compositeur, metteur en scène, chef d'orchestre, décorateur, librettiste, il devient de fait le seul animateur des spectacles qui gagnent la faveur du public et se plaît à faire jouer les œuvres qu'il préfère, celles de William Shakespeare, Pedro Calderón de la Barca, Carlo Gozzi, Heinrich von Kleist, Zacharias Werner, Wolfgang Amadeus Mozart et Ludwig van Beethoven. Hoffmann se fait beaucoup d'amis, à Bamberg, parmi lesquels le docteur Marcus, un homme cultivé et un psychiatre, qu'il interroge sur les troubles mentaux, et le docteur Speyer, neveu du précédent, ainsi qu'un marchand de vin, Karl Friedrich Kunz, qui deviendra son premier éditeur.
Buste d'Hoffmann au théâtre de Bamberg.
Durant ses premières années à Bamberg, Hoffmann compose beaucoup, qu'il s'agisse de ballets, de chœurs, de prologues ou d'opéras. Mais cette activité un peu désordonnée, asservie aux demandes du public, finit par le lasser, et il se tourne vers la critique musicale, essentiellement à l’Allgemeine musikalische Zeitung de Johann Friedrich Rochlitz (1769-1842) et à laquelle il donne une forme originale, englobant ses commentaires dans une trame romanesque. Cette évolution vers la littérature d'imagination doit sans doute beaucoup à la passion qu'il se met à éprouver en 1809 pour l'une de ses élèves, Julia Marc (1796-1865), parente du docteur Marcus. La jeune fille n'a que treize ans contre trente-quatre pour Hoffmann ; elle est de famille juive, fille de commerçants et très douée pour la musique. En fait, cet amour, dont son journal permet de suivre les étapes, est très vite élevé au rang de mythe tragique, dont on retrouve les résonances dans Le Chat Murr et dans plusieurs de ses contes. Ses illusions s'évanouissent quand la jeune fille se fiance avec un commerçant de Leipzig.
Son premier conte connu, Le Chevalier Gluck, date de l'automne 1808. Les Kreislerania, composés pour un journal, suivent. À cette occasion, Hoffmann crée le personnage de Johannès Kreisler, « musicien fou » et double dérisoire et merveilleux qui va le hanter jusqu'à la fin de ses jours et dominer, après les Fantaisies à la manière de Callot (1813-1815), le roman du Chat Murr (1819-1821). Au début de 1813, la guerre, la retraite d'Holbein, les maladies fréquentes et la séparation d'avec Julia Marc décident Hoffmann à quitter Bamberg pour se fixer à Dresde, en Saxe où on lui offre un poste de directeur artistique d'une troupe de théâtre.
Parti le {{date}}, il traverse l'Allemagne en guerre et arrive à Dresde avec sa femme le 25 avril. Mais le responsable du théâtre, avec lequel il venait signer un contrat, a rejoint Leipzig entre-temps. Hoffmann passe donc un mois dans la capitale saxonne, dans des conditions difficiles, et assiste le 8 mai à l'entrée de Napoléon. Dix jours plus tard, il gagne à son tour Leipzig, avant de rentrer à Dresde en juin. Son travail de chef d'orchestre l'occupe beaucoup, mais il continue son œuvre d'écrivain, rédigeant durant cette période difficile quelques-uns de ses meilleurs contes (Le Vase d'or, Le Magnétiseur et Ignaz Denner) ainsi que le début de son premier roman, Les Élixirs du Diable, et deux actes de l'opéra Ondine, dont il a entrepris de composer la partition musicale à Bamberg d'après un livret tiré du conte de La Motte-Fouqué. En août, il assiste à la victoire française de Dresde, au cours de laquelle un obus passe au-dessus de sa tête. Le 29 août, il visite le champ de bataille ; l'épisode lui inspire Visions sur le champ de bataille de Dresde, dont il rédige le manuscrit les 16 et 17 décembre suivant. De même, la tentative de sortie du général français Mouton, avec 12000 hommes et 24 canons, à laquelle il assiste sur le toit d'une maison de la Meissener Strasse le 6 novembre, figure dans ses Souvenirs de Dresde en automne 1813, dont la version définitive n'est achevée qu'en {{date}} et rebaptisée Apparitions ({{lang}}){{,}}. Par ailleurs, Napoléon ayant fait venir la Comédie-Française à Dresde, où il s'est établi avec sa cour, Hoffmann voit un soir Talma et Mademoiselle George dans une représentation du Barbier de Séville.
Mais, au début de 1814, revenu à Leipzig, il se brouille définitivement avec son directeur, Joseph Seconda, et se retrouve bientôt sans travail, malade et endetté, sans autre ressource que quelques collaborations à des revues musicales. À contrecœur, il cherche à rentrer dans l'administration prussienne et sollicite à cette fin l'appui de ses amis berlinois. Son camarade de jeunesse, Hippel, devenu {{lang}} (« conseiller privé d'État »), finit par lui obtenir un poste de magistrat ({{lang}}) à Berlin, en 1814{{,}}. Toutefois Hoffmann refuse d'être réintégré dans son ancien grade de conseiller, préférant accepter un emploi subalterne qui lui garantisse la sécurité matérielle sans l'empêcher de poursuivre son œuvre d'écrivain et de compositeur.
Retour en Prusse
Vue du {{lang}}, ou place de l'Académie, à Berlin, en 1815. Sur cette place était située la taverne Lutter und Wegner, fréquentée par Hoffmann et le comédien Ludwig Devrient.
En {{date}}, Hoffmann obtient de retrouver sa charge de fonctionnaire du royaume de Prusse, d'abord comme assistant bénévole à la {{lang}} de Berlin, puis avec une rémunération modeste. Dans le même temps, Hoffmann est définitivement engagé en littérature, avec les Fantaisies à la manière de Callot, publiées par Kunz à Bamberg, avec une préface de Jean Paul. Il fréquente les milieux artistiques de Berlin. Hoffmann rédige La Princesse Blandina entre le 8 mai et le 31 mai 1814. La même année, il publie la nouvelle Délicatesse française dans le Journal à l'intention du monde élégant, à Leipzig, 6 août 1814. L'année suivante, le récit Le Dey d'Elbe à Paris, rédigé avant le 14 mai 1815, paraît dans le France-Parleur allemand de Berlin, début juillet 1815. C'est cette même année que Hoffmann décide de remplacer son troisième prénom, « Wilhelm », par celui d'« Amadeus », par amour pour Mozart. L'abréviation « E.T.A » figure pour la première fois sur l'une de ses publications, celle du conte « Le Point d'orgue » (« {{lang}} »).
En 1817, le théâtre de Berlin joue son opéra, Ondine, dont le succès n'est interrompu que par l'incendie du théâtre lors de la vingt-cinquième représentation. Les revues et les almanachs sollicitent sa collaboration et tout ce qu'il écrit est aussitôt publié ; il se laisse parfois aller à une production facile. Cependant, ces dernières années sont marquées par la publication des quelques-uns de ses plus grands chefs-d'œuvre : Les Élixirs du Diable en 1816, les Contes nocturnes en 1817, Les Frères de Saint-Sérapion en 1819-1820, puis trois courts romans, Le Petit Zachée, surnommé Cinabre, Princesse Brambilla (1820), Maître Puce, ainsi que son ouvrage majeur, Le Chat Murr (1819-1821).
Plaque apposée sur l'immeuble du 56, Charlottenstrasse, à Berlin-Mitte, résidence d'Hoffmann de 1815 à 1822.
À Berlin, Hoffmann fréquente assidûment les tavernes du Tiergarten et de Unter den Linden, flâne dans tous les quartiers, qu'il dépeint avec complaisance dans ses contes, court les théâtres, les concerts et les expositions, fouille les bibliothèques en quête de vieilles chroniques et de sujets romanesques. Il retrouve des amis de jeunesse, Hippel et Hitzig, et noue de nouvelles amitiés avec de nombreux écrivains et acteurs, quelques-uns déjà fort célèbres comme Ludwig Tieck, Clemens Brentano, Achim von Arnim, mais surtout Adelbert von Chamisso, Contessa, Friedrich de La Motte-Fouqué et l'acteur Ludwig Devrient, qu'il retrouve régulièrement à la taverne Lutter et Wegner, où se déroulent presque quotidiennement les entretiens des « frères Sérapion » (qui inspireront le recueil du même nom).
En {{date}}, il devient juge au Sénat criminel, avec un salaire annuel, fonction qu'il occupe jusqu'en {{date}}, quand il est nommé à la Cour d'appel supérieure ({{lang}}) de la Cour suprême. Dans ses fonctions de juriste, il traite en particulier l'affaire de l'apprenti filateur de tabac Daniel Schmolling (vers 1779-1824), accusé d'avoir poignardé, le {{date}}, sans raison apparente, son amante, Henriette Lehne, enceinte de lui (une affaire similaire à celle qui inspira à Georg Büchner son Woyzeck). L'expertise médicale ayant diagnostiqué une attaque soudaine d’{{lang}}, ou « manie sans délire », Hoffmann est chargé de rédiger l'expertise juridique de la {{lang}} de Berlin. Or, dans ce document, il rejette la thèse de l'irresponsabilité et plaide pour la peine capitale{{,}}. Dès 1816, les accès de fièvre nerveuse se sont multipliés. Le surmenage, une imagination sans cesse exaltée et l'abus des boissons alcooliques ont ruiné sa santé. Hoffmann publie le texte Étranges souffrances d'un directeur de théâtre en octobre 1818.
Kamptz]], sur la bureaucratie prussienne. Dessin d'Hoffmann à la plume (1821).
Nommé le {{date}} membre de la « commission extraordinaire d'enquête contre les menées démagogiques », il remet en liberté Friedrich Ludwig Jahn, mis en prison sans fondement en juillet. Mais une deuxième commission, la « Commission ministérielle médiatrice » qui coiffe la première (soupçonnée de libéralisme) refuse l'élargissement et Jahn passe en jugement. Toutefois, pendant son procès, il décide de poursuivre pour calomnie le directeur de la police Kamptz, qui a affirmé par avance, dans une note envoyée aux journaux, la culpabilité de l'accusé. Hoffmann cite donc Kamptz à comparaître, à la fureur du ministre de la Justice, Friedrich Leopold von Kircheisen, qui, le 28 décembre, lui ordonne de mettre fin à la procédure.
Dans sa réponse, datée du {{date}}, Hoffmann, s'appuyant sur le code civil ({{lang}}), lui répond que {{Citation}}, avant de recommander à Kircheisen le 28 février, au nom de la commission extraordinaire, d'élargir Jahn. En {{date}}, le roi Frédéric-Guillaume III fait classer l'affaire, mais Hoffmann, relevé de ses fonctions en {{date}} et nommé à la Cour d'appel, écrit un petit roman Maître Puce, vendu à un libraire de Francfort, où il caricature Kamptz sous les traits d'un personnage odieux du nom de Knarrpanti. Déjà, dans Le Chat Murr, il avait dépeint avec humour la vie à la cour dans cette multitude de principautés et de royaumes qui composaient alors l'Allemagne. L'éditeur imprime une version amputée des passages les plus litigieux (la version originale, récupérée par Georg Ellinger parmi les dossiers secrets de l'État, ne paraîtra qu'en 1906). Toutefois, sur la demande expresse de Berlin, les magistrats de la ville libre de Francfort confisquent le manuscrit à l'éditeur et l'envoient à Berlin. Kamptz exige alors le déplacement d'Hoffmann. Le {{Date}}, celui-ci est cité à comparaître dans les vingt-quatre heures pour s'expliquer. Son médecin envoie un certificat déclarant qu'il ne peut se lever et Hoffmann échappe à la sanction. Il publie également les Lettres de la montagne (trois lettres sur les douze prévues) dans le Franc-parleur allemand, les 2 juin, {{1er}} et 2, 14 et {{date}}. La même année paraît Agréable satisfaction d'un besoin vital dans le Vossische Zeitung (Gazette de Voss) le {{date}}. Le texte n'est cependant redécouvert qu'en 1936.
Tombe d'Hoffmann.
À partir de 1821 apparaissent les symptômes de l'ataxie locomotrice. Au début de 1822, les membres inférieurs se paralysent, puis les mains. Hoffmann doit dicter ses derniers contes à sa femme ou à un secrétaire de fortune. Dans ceux-ci, la trace de sa maladie est évidente, que ce soit dans La Guérison, La Fenêtre d'angle de mon cousin, Maître Johannès Wacht ou L'Ennemi, dont la fin évoque l'agonie de Dürer. Il songe à d'autres œuvres, qu'il n'aura pas le temps d'écrire : {{Citation}}. En juin, on diagnostique un tabès, c'est-à-dire une syphilis nerveuse atteignant la moelle épinière, dont il souffre depuis 1819. On lui applique des fers rouges de chaque côté de l'épine dorsale. Le {{Date}}, les plaies au fer rouge se rouvrent et saignent. Il murmure alors : {{Citation}}. Il demande qu'on lui tourne la face contre le mur et meurt quelques minutes après, à l'âge de quarante-six ans.
E. T. A. Hoffmann est inhumé dans le cimetière III de Jérusalem et de la nouvelle paroisse ({{lang}}), un lieu situé dans les cimetières de la porte de Halle ({{lang}}), à Kreuzberg. Son épitaphe mortuaire affiche : {{citation}}{{,}}.
Peu après sa mort, son épouse quitte Berlin et retourne à Posen, où elle demeure jusqu'en 1835. Malgré le soutien d'Hitzig, ami fidèle d'Hoffmann, elle meurt dans la pauvreté dans la petite ville de Warmbrunn (Silésie) le {{date}}, à l'âge de 78 ans.
Les archives d'Hoffmann sont conservées à la Bibliothèque d'État de Berlin et au {{lang}}. La Bibliothèque d'État de Bamberg et la bibliothèque Carl Georg von Maassen de l'université de Munich conservent également des collections.