Épictète (0050?-0130?)
Biographie
Épictète est né en 50 ap. J.-C., à Hiérapolis en Phrygie ; probablement fils d'esclaves, il fut lui-même esclave et vendu à Rome à un affranchi de Néron : Epaphrodite. À plusieurs reprises, Épictète nous parle de ce personnage, et la tradition nous a conservé une anecdote significative : Epaphrodite avait enfermé le pied d'Épictète dans un brodequin d'acier et lui tordait la jambe afin de le faire crier. Épictète finit par dire paisiblement : « Tu vas me casser la jambe. ». Epaphrodite continua et cassa la jambe d'Épictète. Celui-ci constata alors simplement : « Je te l'avais bien dit : la voilà cassée. » Il en resta boiteux toute sa vie.
Épaphrodite autorise néanmoins Épictète à assister aux conférences du stoïcien Musonius Rufus, grande figure du stoïcisme. Par la suite, Épictète est affranchi dans des conditions qui restent indéterminées, même si on suppose en général que c'est à la mort de son maître. Il se consacre à la philosophie, au stoïcisme en particulier.
À Rome, il habita une masure toujours ouverte, meublée d'une table et d'une paillasse. Alors qu'il avait acheté un jour une lampe de fer, un voleur la lui déroba. Il se contenta alors de dire : « S'il revient demain, il sera fort surpris, car il n'en trouvera qu'une de terre. » Un ignorant acheta fort cher cette lampe à la mort du philosophe, croyant qu'elle lui donnerait la même lumière que celle qui avait éclairé Épictète ! En 89 ou 94, il doit quitter Rome à la suite de l'édit d'expulsion des philosophes hors de la cité, d'après la volonté de l'empereur Domitien qui s’accommode mal de l’influence des philosophes qui génèrent des opposants à son régime tyrannique.
Épictète se retire à Nicopolis d'Épire, ville de passage des nobles grecs et romains en voyage vers l'Italie ou la Grèce. Il y vit dans la pauvreté en compagnie d'une femme et d'un enfant qu'il a adopté. À Nicopolis, il ouvre une école stoïcienne qui connaît un grand succès. Pendant plusieurs années, il enseigne sous la forme de discussions et de remises en question. Ses contemporains semblent avoir la plus grande estime pour la qualité de son enseignement. Selon Spartianus, il revint à Rome et devient familier de l'empereur Hadrien, mais le fait est hautement improbable. L'épisode est également relaté par l'Histoire Auguste, mais ce texte est en grande partie une imposture, et la lettre d'Épictète à Hadrien est clairement apocryphe. En revanche, le respect de l'empereur pour Épictète semble corroboré par la plupart des sources. Selon la Souda, il vit jusqu'au règne de Marc Aurèle, mais d'après Aulu-Gelle, Épictète est déjà mort quand celui-ci arrive au pouvoir. Il est conjecturé qu'il enseigna à Julius Rusticus, qui devint plus tard l'enseignant de Marc Aurèle et l'introduisit à la philosophie stoïcienne par l'intermédiaire d'Épictète.
Il meurt à Nicopolis, probablement vers l'an 125 ou 130.
Épictète n'a laissé aucun écrit, mais l'un de ses disciples, Arrien, a recueilli ses propos regroupés en plusieurs ouvrages, dont deux subsistent : Les Entretiens (διατριβαί diatribai) et Le Manuel (Enchiridion), qui résument sa doctrine et en font émerger les traits distinctifs. Les Entretiens constituaient originellement huit livres, dont seuls les quatre premiers subsistent. Le Manuel est un condensé, constitué de 53 courts chapitres, réalisé par Arrien, qui met en aphorismes les propos d'Épictète. La sélection effectuée par Arrien est avant tout centrée sur la conduite de la vie et de l'esprit en toutes circonstances, se présentant comme un ouvrage éminemment pratique. Son héritage a été conservé à travers un unique manuscrit, datant du XI{{e}} ou XII{{e}} siècle, et conservé à la bibliothèque d'Oxford.
Le cours de philosophie d'Épictète peut être hypothétiquement reconstitué à partir des fragments d'informations rapportés dans les textes d'Arrien. D'après Émile Bréhier, « La séance commençait par une leçon technique, faite par le maître ou par un disciple : commentaire d'un texte de Chrysippe ou de Zénon ou encore exercice de logique ; après quoi, souvent à l'occasion d'une question posée par un auditeur, le maître se laissait aller à une improvisation, libérée de toute forme technique, dans un style souvent brillant et imagé, plein d'anecdotes, ayant recours à l'indignation et à l'ironie. ».