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Vidal-Naquet, Pierre (1930-2006)

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Biographie

{{...}} Pierre Vidal-Naquet a écrit plusieurs textes autobiographiques, notamment ses Mémoires, publiés en 1998, mais aussi des textes plus ponctuels comme : « Pourquoi et comment je suis devenu historien » (Rencontres de Blois, 2002) et « Esquisse d'un parcours anticolonialiste » (2001).

Famille

Il est issu d'une famille juive comtadine de Carpentras (Vaucluse, jusqu'en 1791 possession pontificale), famille qui a des liens de parenté avec José de Bérys, Francine Bloch et Darius Milhaud ainsi qu'avec Alfred Naquet (1834-1916).

Les Vidal-Naquet ont connu une ascension sociale au cours du {{s-}}, s'installant à Montpellier, puis à Marseille, enfin à Paris, dans le faubourg Saint-Germain.

Il est le fils de Lucien Vidal-Naquet (1899-1944), avocat, et de Marguerite Valabrègue (1907-1944), mariés en 1929. La sœur de Lucien, Isabelle (1898-1954) est l'épouse du polytechnicien Robert Brunschwig ; le frère de Lucien, Georges (1900-1978) épouse en 1931 Marthe Valabrègue, sœur jumelle de Marguerite.

C'est un milieu laïc (athée pour certains) et républicain, d'orientation dreyfusarde : « Toute ma vie, j'ai été marqué par le récit que m'a fait mon père à la fin de 1941 ou au début de 1942 de l'affaire Dreyfus ».

Lucien Vidal-Naquet, devenu avocat en 1921, a d'abord été dans le cabinet de René Viviani, puis est entré dans celui d'Alexandre Millerand. C'est un civiliste, particulièrement intéressé dans les questions de propriétés intellectuelle ; dans les années 1930, une de ses affaires l'oppose à la compagnie cinématographique Tobis.

Pierre Vidal-Naquet s'est marié en 1952 et a eu trois enfants.

Enfance

Après Pierre, naissent François (1932) et Aline (1933). Rompant la tradition, Lucien et Marguerite ne font pas circoncire leurs fils.

Scolarisé au sein de la famille, en liaison avec un cours privé, Pierre est admis en juin 1939 à entrer en Septième au lycée Montaigne.

Une adolescence marquée par la Shoah

En juillet 1939, les familles de Lucien et Georges Vidal-Naquet et de Robert Brunschwig viennent en vacances à Beg Meil (commune de Fouesnant, Finistère). Elles vont y rester pendant la drôle de guerre, sans les pères qui sont mobilisés (Lucien dans l'artillerie à Charleville). En février 1940 naît le second frère de Pierre, Yves. Le 18 juin 1940, en pleine débâcle de l'armée et du gouvernement, les trois femmes prennent la décision de partir à Marseille (en voiture). Elles y arrivent assez péniblement le 1er juillet ; le petit Yves, assez fragile, est mort le 20 juin.

Lucien Vidal-Naquet, démobilisé, les rejoint, puis revient à Paris où il continue d'exercer son métier jusqu'à sa révocation de l'ordre des avocats. Dès 1940, il est entré dans la Résistance au sein du réseau de résistance du musée de l'Homme. La révocation prend effet le 12 mai 1942 et il vient alors vivre à Marseille.

Pierre entre en sixième au Lycée Périer en 1940. En même temps, il devient scout dans le cadre des Éclaireurs unionistes de France (protestants).

Après l'invasion de la zone Sud par l'armée allemande (novembre 1942), Georges Vidal-Naquet réussit à passer en Espagne, puis rejoint la France libre ; sa famille part pour Saint-Agrève, pays protestant offrant possibilité de refuge aux Juifs. Les autres enfants partent dans une institution à Megève. En avril 1943, les enfants Vidal-Naquet reviennent à Marseille, mais les Brunschwig se rassemblent dans une demeure de famille à Dieulefit (Drôme). Pierre Vidal-Naquet y fait deux séjours (août 1943 et avril 1944), y rencontrant le poète Pierre Emmanuel.

Le 15 mai 1944, Lucien et Marguerite sont arrêtés par la Gestapo, amenés à Drancy, puis déportés à Auschwitz où ils meurent l'un et l'autre peu après, mais les trois enfants échappent à cette arrestation et sont d'abord hébergés par des professeurs. Le 17 mai, Pierre et François sont emmenés dans une ferme à Cucuron ; Aline est emmenée à Saint-Agrève le 5 juin ; ses frères la rejoignent le 17 juin.

Après un dernier séjour à Dieulefit (mi septembre-mi octobre 1944), il revient à Paris avec les Brunschwig, chez qui il va vivre jusqu'en 1948. Il entre en Seconde au lycée Carnot. Cette période est marquée par les doutes sur le sort ses parents (il sait qu'ils sont passés par Drancy et ont été déportés) ; ce n'est qu'à la rentrée 1945 qu'il acquiert la certitude qu'ils ne rentreront pas.

Études et formation intellectuelle

Après le baccalauréat (1947), il suit les traces de Jacques Brunschwig et entre en Lettres supérieures au lycée Henri-IV où il fait ensuite deux khâgnes sans être même admissible (son cousin est reçu premier à l'ENS en 1948) ; il y a pour condisciple et ami Charles Malamoud et pour condisciples Pierre Juquin et Robert Faurisson.

Sa vocation d'historien résulte entre autres de la lecture de L'Étrange Défaite de Marc Bloch, mais il s'intéresse beaucoup à la littérature, notamment au surréalisme (André Breton, René Char et Antonin Artaud) et aux arts. En 1948-1949, il participe avec Pierre Nora à l'aventure de la revue Imprudence, qui publie trois numéros. Durant les vacances d'été de 1949 et 1950, il voyage en Italie avec Jacques Brunschwig. Sur le plan politique, il se situe nettement à gauche, mais malgré un certain intérêt, il n'adhère pas au Parti communiste, décision définitivement confirmée en 1949 après le procès de László Rajk en Hongrie, dont il perçoit le caractère truqué.

En 1950, il décide de faire une troisième khâgne, mais à Marseille, au lycée Thiers ; c'est une classe mixte, où il fait la connaissance de Geneviève Railhac, qu'il épousera peu après.

Après un nouvel échec en 1951, il n'a pas d'autre diplôme qu'une « licence libre » ; il la complète avec des certificats qui lui donnent une licence de Lettres classiques, puis fait un mémoire sur Platon, avec Henri-Irénée Marrou (mémoire complémentaire sur Jean Jaurès, avec Ernest Labrousse), obtenant un diplôme d'études supérieures d'histoire (novembre 1953). Il prépare ensuite l'agrégation d'histoire et est reçu en 1955 (ainsi qu'au CAPES de Lettres classiques).

Carrière universitaire

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Les premières affectations (1955-1966)

Orléans (1955-1956)

Il est d'abord nommé au lycée Pothier d'Orléans où il a pour collègue Georges Dupeux et pour élève Alain Corneau, qui lui rendra hommage à la sortie de Tous les matins du monde (1991).

À la demande de Robert Blum, il collabore à l'édition des œuvres de Léon Blum ; il travaille sous la direction de Robert Verdier sur les écrits des années 1945-1950, qui donnent finalement à deux volumes (l'édition du second étant dirigée par François Furet).

L'université de Caen (1956-1961)

À la rentrée 1956, il obtient un poste d'assistant à l'université de Caen, auprès de Henri Van Effenterre. Il consacre alors son activité professionnelle essentiellement à l'enseignement de l'histoire de la Grèce antique, tout en commençant à la rentrée 1960 à suivre le séminaire de Jean-Pierre Vernant à l'EPHE.

Mais, à cette époque, il s'implique beaucoup dans les problèmes liés à la guerre d'Algérie (affaire Maurice Audin, manifeste des 121) : en 1961, il est suspendu à l'université de Caen, à cause justement du manifeste.

L'université de Lille (1961-1962)

À la rentrée 1961, il est affecté à l'université de Lille, comme assistant de René Rémondon.

Le CNRS (1962-1964)

De 1962 à 1964, il est détaché au CNRS. Durant cette période, il participe toujours à l'EPHE au séminaire de Jean-Pierre Vernant, mais aussi à ceux d'André Aymard (sociologie de la guerre dans l'Antiquité), de René Rémondon (papyrologie) et de Louis Robert (épigraphie grecque). Il a aussi des activités archéologiques à Mallia en Crète (1963) avec Henri Van Effenterre et à Samos en 1964.

Il rédige alors le premier travail important dans son œuvre, en collaboration avec Pierre Lévêque : « Clisthène l'Athénien », d'abord projeté comme article pour les Annales, puis livre publié au début de 1964.

Il prend aussi connaissance de l'œuvre de Moses I. Finley, auteur de The World of Odysseus (1954), dont aucun livre n'a encore été traduit en français et qu'il introduit en France à travers une recension dans les Annales en 1963.

L'université de Lyon (1964-1966)

En 1964, le dédoublement de la chaire d'histoire grecque, détenue par Antoine Bon, lui permet d'y être élu professeur.

L'EPHE puis l'EHESS (1966-1997)

{{...}} Entré comme sous-directeur d'études à l'EPHE dans la VIe Section (Sciences économiques et sociales) dirigée par Fernand Braudel - à partir de 1975, École des hautes études en sciences sociales -, il devient directeur d'études en 1969, poste qu'il occupe jusqu'à sa retraite en septembre 1997.

Le 19 janvier 1974, son directeur de thèse étant Édouard Will, il soutient à l'université de Nancy une thèse « sur un ensemble de travaux » (articles et ouvrages sur la Grèce ancienne publiés depuis 1960), devenant ainsi docteur ès-lettres. En 1981, paraît le recueil Le Chasseur noir, qui regroupe ses principaux articles sur la Grèce ancienne.

Lecteur de Dumézil et de Lévi-Strauss, il est considéré comme membre de l'« école de Paris » (formule issue du milieu universitaire américain), aux côtés de Jean-Pierre Vernant, avec qui il a écrit quelques livres, de Nicole Loraux et de Marcel Detienne : il s'agit du groupe des chercheurs liés à l'EPHE, qui se différencient des hellénistes classiques (François Chamoux) par le souci de mettre en œuvre des disciplines diverses, notamment l'anthropologie structurale.

De 1982 à 1992, il est membre du Conseil national des Universités et de la commission de recrutement du CNRS.

Il est l'un des lecteurs attitrés de la bibliothèque de la Fondation Maison des sciences de l'homme.

Succédant à Jean-Pierre Vernant, il prend la direction du Centre Louis Gernet de recherches comparées sur les sociétés anciennes.

Interventions militantes

En Mai 1968, il soutient le mouvement étudiant et participe à la commission de réflexion sur la réorganisation de l'EPHE. Durant l'été, après avoir rassemblé un grand nombre de documents (tracts), il écrit avec Alain Schnapp un livre : Le Journal de la Commune étudiante (publié début 1969).

La fin des années 1970 est marquée par l'émergence du négationnisme dans les médias français ; Pierre Vidal-Naquet publie alors plusieurs articles consacrés à l'analyse de ce phénomène, recueillis dans Les Assassins de la mémoire (1987).

Parmi ses élèves, on compte les historiens Alain Corbin (à Caen), François Hartog, Maurice Sartre, Pauline Schmitt-Pantel et Alain Schnapp.

Il meurt à l'hôpital de Nice le 29 juillet 2006.