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Satie, Erik (1866-1925)

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Biographie

Jeunesse

Fils de Jane Leslie Anton, d’origine écossaise et de Jules Alfred Satie, courtier maritime normand, élevé dans la religion anglicane, Erik Satie a passé sa jeunesse entre la Normandie et Paris. En 1870, la famille Satie quitte Honfleur pour Paris où le père a obtenu un poste de traducteur. Après la mort de leur mère en 1872, Erik et son frère Conrad retournent à Honfleur chez leurs grands-parents paternels, avec qui ils embrasseront le catholicisme, tandis que leur sœur reste avec leur père à Paris. À la mort de leur grand-mère paternelle en 1878, retrouvée morte sur une plage de Honfleur, ils vont vivre à nouveau chez leur père à Paris. Ce dernier s’est remarié avec une femme de dix ans son aînée, Eugénie Barnetche, professeur de piano, qui enseigne à Erik les bases de l’instrument : « L’enfant prend aussitôt en haine et la musique et le conservatoire. »

En 1879, il entre pourtant au Conservatoire de musique. Jugé sans talent par ses professeurs, il est renvoyé après deux ans et demi de cours avant d’être réadmis, fin 1885. C’est durant cette période qu’il composera sa première pièce pour piano connue, Allegro (1884). Cependant, incapable de produire une meilleure impression sur ses professeurs, il décide de s’engager dans un régiment d’infanterie.

Après quelques semaines, constatant que l’armée n’est pas pour lui, il se fait réformer en exposant sa poitrine nue au froid de la nuit hivernale au point d’en attraper une congestion pulmonaire.

Carrière

En 1887, il s’installe à Montmartre et compose ses quatre Ogives pour piano, dont les partitions ne font apparaître aucune barre de mesure, caractéristique qui sera réutilisée pour de nombreuses autres compositions. Il développera aussi très vite son propre style d’annotations sur la manière d’interpréter ses œuvres.

À cette époque commence une longue amitié avec plusieurs poètes, comme Stéphane Mallarmé, Paul Verlaine ou le poète romantique Patrice Contamine, avec qui il collaborera par la suite sur le ballet Uspud. Il fait éditer ses premières compositions par son père. En 1888, il compose ses trois Gymnopédies pour piano.

En 1890, il déménage au 6 rue Cortot, toujours à Montmartre, et fréquente le cabaret Le Chat noir où il fait la connaissance de Claude Debussy. En 1891, les deux amis s’engagent dans l’« Ordre kabbalistique de la Rose-Croix » fondé par le « sâr » Joséphin Peladan et Stanislas de Guaita. En qualité de maître de chapelle de cet ordre, il compose plusieurs œuvres dont les Sonneries de la Rose-Croix et Le Fils des Étoiles. Poursuivant son engouement mystique, il crée sa propre église : l’« Église métropolitaine d’art de Jésus-Conducteur » et lance des anathèmes contre les « malfaiteurs spéculant sur la corruption humaine ». Il en est à la fois le trésorier, le grand-prêtre, mais surtout le seul fidèle. Contraint à cette réalité, il l’abandonne.

Portrait d’Erik Satie par Suzanne Valadon (1893) Le 18 janvier 1893, Satie entame une relation amoureuse avec l’artiste peintre Suzanne Valadon. Bien qu’il l’ait demandée en mariage après leur première nuit, le mariage n’aura jamais lieu, mais Valadon s’installe rue Cortot dans une chambre près de Satie qui, dans sa passion pour elle, l’appelle sa « Biqui ». Il rédige des notes enflammées sur « tout son être, ses beaux yeux, ses mains douces et ses pieds minuscules » et compose à son intention ses Danses Gothiques tandis qu’elle réalise son portrait. Cinq mois plus tard, le 20 juin, leur rupture brisera Satie « avec une solitude glaciale remplissant la tête de vide et le cœur de tristesse ». On ne lui connaît aucune autre relation sentimentale sérieuse et avouée. Comme pour se punir lui-même, il compose Vexations, un thème construit à partir d’une mélodie courte, à propos de laquelle il note : « Pour se jouer 840 fois de suite ce motif, il sera bon de se préparer au préalable, et dans le plus grand silence, par des immobilités sérieuses ». Des interprètes comme John Cage ou Thomas Bloch jouent la pièce dans son intégralité (soit 840 fois) durant presque 20 heures.

La même année, il fait la connaissance de Maurice Ravel, à propos duquel il écrira plus tard : {{citation}}

En 1895, il hérite une certaine somme d’argent qui lui permet de faire imprimer plus d’écrits et de changer de vêtements, abandonnant le style ecclésiastique pour le velours. Il achète un même costume en sept exemplaires, couleur moutarde, qu’il portera constamment. Il est surnommé à Paris le « Velvet Gentleman ». En 1896, tous ses moyens financiers ayant fondu, il doit s’installer dans un logement moins coûteux, d’abord dans une chambre minuscule rue Cortot, puis en 1897, à Arcueil.

Il rétablit le contact avec son frère Conrad et abandonne des idées religieuses auxquelles il ne s’intéressera plus avant les derniers mois de sa vie. Il surprend ses amis en s’inscrivant, en {{date}}, à la Schola Cantorum de Vincent d’Indy pour y étudier le contrepoint classique avec Albert Roussel : « En 1905, je me suis mis à travailler avec d'Indy. J'étais las de me voir reprocher une ignorance que je croyais avoir, puisque les personnes compétentes la signalaient dans mes œuvres. Trois ans après un rude labeur, j'obtins à la Schola Cantorum mon diplôme de contrepoint, paraphé de la main de mon excellent maître, lequel est bien le plus savant et le meilleur homme de ce monde. » C’est également à cette époque qu’il devient socialiste, est employé au Patronage laïc de la communauté d’Arcueil et change à nouveau d’apparence pour celle du « fonctionnaire bourgeois » avec chapeau melon et parapluie. Au lendemain de l'assassinat de Jaurès, il exprima son indignation en s'inscrivant à la SFIO. Les avis diffèrent sur la réalité de son militantisme. Il aimait sincèrement les travailleurs et il était un chaud partisan de l'adhésion à la IIIe Internationale (adhésion jouée à une voix). Quoi qu'il en soit, il est devenu un des premiers membres de la section arcueillaise du Parti Communiste. Son affectif le guidait, il ignorait tout du marxisme théorique et n'en voulait rien savoir.

En 1915, grâce à Valentine Gross, il fait la connaissance de Jean Cocteau avec qui il commencera à travailler à partir de 1916, notamment sur le ballet Parade. Leur collaboration fut fructueuse malgré quelques incompatibilités de caractère comme en témoigne leur correspondance. Tous deux seront les pères spirituels du groupe des Six, créé en 1920 et composé de Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre. Il fait également la connaissance, par l’intermédiaire de Picasso, d’autres peintres cubistes, comme Georges Braque, avec qui il travaillera sur Le Piège de Méduse, ainsi que sur des projets qui ne verront pas le jour.

En 1919, il est en contact avec Tristan Tzara qui lui fait connaître d’autres dadaïstes comme Francis Picabia, André Derain, Marcel Duchamp, Man Ray avec lequel ils fabriqueront son premier {{lang}} dès leur première rencontre. Au commencement de l’année 1922, il prend le parti de Tzara dans le différend entre Tzara et André Breton au sujet de la nature vraie de l’art d’avant-garde, tout en parvenant à maintenir des relations amicales dans les deux camps.

En 1923, il est l’inspirateur de l’École d'Arcueil, groupe informel composé de Henri Cliquet-Pleyel, Roger Désormière, Maxime Jacob et Henri Sauguet. Ce groupe ne survivra pas au décès du « Maître d’Arcueil ».

Il tombe malade au début de 1925. Le comte Étienne de Beaumont le fait hospitaliser dans la chambre qui lui est réservée à l'année à l'hôpital Saint-Joseph. Le {{1er}} juillet 1925, Erik Satie meurt sur son lit d’hôpital.

Pauvreté

Portrait d’Erik Satie en 1909. L’anecdote la plus connue concernant Satie est probablement celle relative à ce que ses amis trouvèrent lorsque, à sa mort, ils pénétrèrent dans son studio d’Arcueil, auquel Satie refusait l’accès à quiconque. Ils y trouvèrent deux pianos complètement désaccordés et attachés ensemble, remplis de correspondances non ouvertes (auxquelles il avait toutefois en partie répondu) et derrière lesquels ont été retrouvées un certain nombre de partitions jusqu’alors inédites, comme celle de l'opéra Geneviève de Brabant qu’il pensait avoir perdue. Dans un placard, une collection de parapluies et de faux cols. Et dans l’armoire, des costumes de velours gris identiques au sempiternel costume que Satie portait toujours : il les avait fait faire d’avance et en prenait un nouveau lorsque le précédent commençait à être trop usé.

L’état du studio révélait la pauvreté dans laquelle avait vécu Satie : ne pouvant vivre de ses talents de musicien, il ne se plaignait toutefois pas ou très peu. Quant à demander une aide financière à ses proches, c’était chose encore plus rare et plus difficile pour lui. Il n’allait pratiquement jamais demander de l’aide à ses amis, lui qui était pourtant très entouré.

Quelques rares proches se doutaient de sa situation, mais ce n’est qu’à sa mort, en découvrant l’appartement, qu’ils prirent conscience de la misère dans laquelle il vivait, misère qu’il surnommait « la petite fille aux grands yeux verts ».