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Martin du Gard, Roger (1881-1958)

Biographie

Famille et formation

Roger Martin du Gard est issu d'une famille bourgeoise de gens de robe. Son père, Paul Martin du Gard, est avoué de première instance au Tribunal de la Seine et sa mère, née Madeleine Wimy, est la fille d'un agent de change de la Bourse de Paris. En 1892, il entre en qualité de demi-pensionnaire à l'École Fénelon, où l'enseignement de Marcel Hébert le marque profondément. Ses résultats sont insuffisants ; il préfère la lecture des "feuilletons bon marché" aux leçons dispensées . Son père décide alors de le mettre un semestre en pension, de janvier à juin 1896, à Passy, chez un jeune normalien, Louis Mellerio. Il rattrape son retard en latin, grec, et grammaire, apprend l'art de la composition, avant d'être fin prêt à affronter son année de rhétorique à la rentrée d'octobre. Il entre alors comme externe au lycée Janson-de-Sailly.

Il découvre sa vocation d'écrivain en se liant à un jeune garçon de deux ans son aîné, Jean Werhlé, pendant l'été qu'il passe à Maisons-Laffitte en 1891. Les tragédies en vers qu'écrit déjà son ami lui font connaître, à dix ans, son premier choc esthétique : "Aussitôt au lit, j'ai tiré le cahier de sous mon traversin, et me suis mis à lire. J'avais les yeux brouillés de larmes. Première révélation de la poésie...". À compter de ce jour, le jeune Roger ne laissera pas de noircir des cahiers de "poèmes sentimentaux", toujours accompagné d'un "petit dictionnaire de rimes". Il ne se dégagera de cette fiévreuse obsession lyrique qu'à l'âge de dix-sept ans lorsqu'il lira, suivant les conseils de l'abbé Hébert, Guerre et Paix de Tolstoï. Après son bachot de philosophie, obtenu en 1898, il décide, le temps de confirmer sa volonté d'écrire et d'obtenir l'assentiment d'une famille réticente, de s'inscrire à la Sorbonne, pour passer une licence ès lettres. Il ne se présente pas aux examens la première année, et échoue lorsqu'il les passe l'année suivante, en juillet 1900. Il décide alors, quelques jours plus tard, de pallier son sentiment d'échec en préparant le concours d'entrée à l'École des chartes. Il est reçu le 28 octobre. Malgré un redoublement, et l'interruption d'une année, en 1902-1903, pour son service militaire à Rouen, il obtient son diplôme d'archiviste paléographe en décembre 1905, après avoir soutenu une thèse sur les ruines de l'abbaye de Jumièges. Il évoque son passage à l'École des chartes dans le roman Devenir dont le personnage principal est un élève chartiste peu assidu. Au sortir de l'École, en février 1906, il épouse Hélène Foucault, fille d'un avocat du barreau de Paris. À vingt-cinq ans, il est désormais prêt à affirmer son désir d'être écrivain.

Écrivain

Il s'attelle à la préparation d'un roman, dès le début de son voyage de noces en Afrique du nord, début 1906 : Une Vie de saint.

La publication de son roman Jean Barois en 1913 lui permettra de se lier d'amitié avec André Gide et Jacques Copeau : refusé par Bernard Grasset, son ami d'enfance Gaston Gallimard transmet le manuscrit à Jean Schlumberger, puis à Gide, son livre étant finalement édité à la jeune maison d'édition de la NRF dont il devient le premier succès. Dans l'étonnant « roman dossier » qu'est Jean Barois, R. Martin du Gard ne cherche pas à démontrer. Il n'émet aucun jugement, il ne condamne pas, il n’absout pas : il décrit avec une volonté d'objectivité l'évolution de la religion contemporaine avec le modernisme qui semble en saper les fondements ou la séparation des Églises et de l'État en 1905. Avec ses documents authentiques ou fictifs qui s'y trouvent insérés, la seconde partie constitue aussi la première représentation littéraire de l'Affaire Dreyfus et du procès Zola qui lui est lié. De la même façon qu'elle est aussi une des premières représentations littéraires de la crise moderniste. Charles Moeller oppose le Jean Barois de Roger Martin du Gard à l'Augustin de Joseph Malègue dans Augustin ou le Maître est là, un peu comme Victor Brombert, le critique américain. Pour Brombert, le retour à la foi d'Augustin « n'est pas un retour soumis au bercail » (« is not a submissive return to the fold »), mais « une reconquête durement remportée à travers la souffrance et la lucidité » (« a reconquest hard won through pain and lucidity »), et qui n'est pas « une abdication de l'intelligence. » Moeller pense que la foi avec laquelle renoue Jean Barois est du fidéisme.

Pour le théâtre, il écrit, Le Testament du père Leleu, farce paysanne (1913), qui semble avoir inspiré G. Puccini pour la composition de son opéra Gianni Schicchi. La mise en scène de cette farce par Jacques Copeau qui venait alors d'ouvrir le théâtre du Vieux-Colombier marque le début d'une amitié très forte, grâce à laquelle Martin du Gard envisage la réalisation de pièces satiriques dans le cadre d'une Comédie nouvelle dont il développe une première vision. Ces perspectives ne connaissent pas un aboutissement, cependant, en raison des refus successifs qu'oppose J. Copeau aux propositions et essais de RMG. Celui-ci revient alors vers le roman.

Mobilisé en 1914, il est affecté comme fourrier à un groupe automobile de « Transport Matériel » attaché au premier corps de cavalerie. Témoin des atrocités du front, il ne veut pas écrire sur ce sujet mais exprime son pacifisme idéaliste dans ses lettres et son journal écrits à cette époque.

Après la Première Guerre mondiale, Roger Martin du Gard conçoit le projet d'un long roman-fleuve (ou roman de longue haleine) dont le sujet initial s'intitule « deux frères ». De fait, le roman en huit volumes ensuite intitulé Les Thibault va l'occuper des années 1920 à 1940, date de publication du dernier volume, Épilogue. De nombreux souvenirs d'enfance vont marquer cette saga notamment quand, entre 1890 et 1895 il habita Maisons-Laffitte dans une maison de l'avenue Albine au {{numéro}} qui porte actuellement une plaque gravée de marbre blanc sur un des deux piliers du portail. À travers l'histoire de Jacques et Antoine Thibault qui sont liés à la famille de Fontanin, le romancier fait le portrait d'une classe sociale, la bourgeoisie parisienne, catholique ou protestante, universitaire, mais aussi en révolte dans le cas de Jacques Thibault, apprenti écrivain qui découvre le socialisme. Conçus comme une conclusion à une œuvre dont la réalisation menaçait de durer trop longtemps, les deux derniers volumes sont consacrés à la disparition des deux héros et mettent l'accent sur la Première Guerre mondiale. L'Été 1914 décrit la marche à la guerre que ne peuvent empêcher ni les socialistes, ni les autres groupes pacifistes : révolutionnaire de cœur, Jacques Thibault ne saura que se sacrifier en lançant sur les tranchées un appel à la fraternisation des soldats allemands et français. Racontant la lente agonie d'Antoine Thibault gazé pendant le conflit, Épilogue évoque la « marche à la paix » et s'interroge sur les propositions du président Wilson qui aboutiront à la création de la Société des Nations.

En 1930 paraît Confidence africaine, une histoire d'inceste entre un frère et une sœur. Ce livre joue un rôle dans le roman épistolaire de Katherine Pancol, Un homme à distance (Albin Michel, 2002).

C'est en 1937, juste après la publication de L'Été 1914, que R. Martin du Gard se voit attribuer le prix Nobel de littérature. Après un long séjour en Italie, il passe la majeure partie de la guerre 1939-1945 à Nice, avant d'aller se réfugier à Piérac, dans l'Aude. De 1941 à sa mort, il travaille à un roman resté inachevé, "Les souvenirs du lieutenant-colonel de Maumort", dont une édition procurée par André Daspre sera publiée en 1983 sous le titre Le lieutenant-colonel de Maumort.

Publiées peu après la mort d'André Gide, les Notes sur André Gide évoquent une des amitiés les plus importantes et enrichissantes qu'ait connues cet admirateur de Tolstoï, de Flaubert et de Montaigne.

Roger Martin du Gard repose avec sa femme au cimetière de Cimiez sur les hauteurs de Nice.